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Référencement de condamnations pénales et droit à l’oubli

02 janvier 2020 | Derriennic Associés |

La Cour de cassation a, le 27 novembre 2019, fait application de la décision Cour de justice de l’Union européenne du 24 septembre 2019, qui avait retenu que l’interdiction de traiter certaines catégories de données personnelles sensibles (dont celles relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté) s’applique également aux moteurs de recherche et que toute juridiction saisie d’une demande de déréférencement doit vérifier, de façon concrète, si l’accès aux données litigieuses répond à un motif d’intérêt public important, comme le droit à l’information du public, et si elle est strictement nécessaire pour assurer sa préservation.

En l’espèce, une demande de déréférencement avait été formée par un particulier exerçant la profession d’expert-comptable et de commissaire aux comptes, qui, suite à une condamnation pour escroquerie et tentative d’escroquerie, s’était aperçu que des comptes rendus d’audience relatant cette condamnation pénale étaient toujours accessibles, bien qu’archivés, sur le site Internet du journal « Le Républicain lorrain ».

Ainsi, les internautes pouvaient prendre connaissance de ces comptes rendus en rentrant le nom du particulier lors d’une recherche Google.

Le requérant a donc assigné Google aux fins de déréférencement ; demande qui a été rejetée par le juge d’appel. Ce dernier a, en effet, considéré que, même si l’infraction commise par le requérant relevait de la sphère privée, le référencement des liens litigieux permettant l’accès aux articles du « Républicain lorrain » était pertinent eu égard à sa profession d’expert-comptable et de commissaire aux comptes, dans la mesure où celle-ci visait précisément à donner des conseils de nature fiscale à ses clients et impliquait de faire preuve d’une certaine probité. Les magistrats de la Cour d’appel ont ainsi considéré que, de par sa profession, le demandeur devait être considéré comme ayant un rôle dans la vie publique et qu’il relevait de l’intérêt des internautes d’avoir accès à ces informations. La Cour a donc fait primer le droit à l’information des internautes, sur le droit à la protection des données à caractère personnel du requérant.

Faisant application de la décision de la CJUE du 24 septembre 2019 (CJUE, 24 sept. 2019, aff. C-136/17, GC, AF, BH, ED c/ Commission nationale de l’informatique et des libertés), la Cour de cassation n’a pas suivi le raisonnement de la Cour d’appel, considérant qu’ « en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si, compte tenu de la sensibilité des données en cause et, par suite, de la particulière gravité de l’ingérence dans les droits (du prévenu) au respect de sa vie privée et à la protection de ses données à caractère personnel, l’inclusion des liens litigieux dans la liste des résultats était strictement nécessaire pour protéger la liberté d’information des internautes potentiellement intéressés à avoir accès aux pages internet concernées, à défaut de quoi serait caractérisé un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 du code de procédure civile, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision».

La Cour de cassation a ainsi cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande de déréférencement, et a renvoyé cette affaire devant la Cour d’appel de Paris.

Lien vers la décision : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/990_27_43966.html