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Seuil de 300 salariés : bilan social et GPEC

30 décembre 2014 | Sabine SAINT- SANS| DAF Magazine

Le franchissement du seuil de 300 salariés est moins médiatique que celui de 50 salariés. Il apporte pourtant son lot d’obligations chronophages, notamment l’établissement d’un bilan social et l’ouverture de négociations d’un accord de GPEC. Des domaines qui nécessitent une bonne structuration RH.

L’actualité récente a fait couler beaucoup d’encre à propos des seuils sociaux. Les débats se sont focalisés sur ceux de 10, 20 et 50 salariés, particulièrement importants pour les entreprises : participation à la formation professionnelle, mise en place de délégués du personnel puis d’une représentation syndicale, embauche obligatoire de 6 % de personnel handicapé… Moins médiatique, le franchissement du seuil
de 300 salariés apporte également son lot de nouvelles obligations, dont certaines très chronophages. Ainsi, l’entreprise est obligée de créer une commission d’information et d’aide au logement au sein du CE. Elle doit aussi prendre en charge les cinq jours de formation des membres du CHSCT et les syndicats peuvent nommer un représentant au CE qui ne soit pas le délégué syndical. Mais les deux véritables chantiers liés au franchissement de ce seuil sont l’établissement d’un bilan social et l’ouverture de négociations d’un accord de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).

Établir un bilan social
Le bilan social récapitule en un document unique “les principales données chiffrées permettant d’apprécier la situation de l’entreprise dans le domaine social, d’enregistrer les réalisations effectuées et de mesurer les changements intervenus au cours de l’année écoulée et des deux années précédentes” (article L2323-70 du Code du travail). Il doit être établi et remis au CE dans les quatre mois de l’année suivant celle où l’effectif de 300 salariés a été atteint. En clair, une entreprise franchissant le seuil en 2014 devra produire son bilan social avant le 30 avril 2016. Elle le fera, par la suite, à un rythme annuel. Avec un risque à ne pas négliger, celui du délit d’entrave, qui consiste pour un employeur à porter atteinte à l’exercice du droit syndical, à ladésignation des IRP ou à l’exercice des missions et fonctions des représentants du personnel. « Il est important de bien respecter les délais, faute de quoi l’entreprise s’expose à une sanction pénale, à savoir un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende », souligne Sabine Saint-Sans, avocate associée en droit social chez Derriennic. « Il existe aussi un risque de sanction civile si le CE saisit le juge des référés pour demander la communication d’informations manquantes », avertit Aurélie Rozier, juriste en droit social chez Fidal. Autre point de vigilance à souligner : une entreprise possédant plusieurs établissements doit produire un bilan social central et un pour chacun de ses établissements qui emploient plus de 300 salariés. Selon le Code du travail, le bilan social doit
aborder sept thématiques : emploi, rémunération, conditions de santé et de sécurité, formation, autres conditions de travail, relations
professionnelles et autres conditions de vie des salariés. Pour chacune d’entre elles, le code fixe des indicateurs. « L’ensemble constitue une trame que les entreprises peuvent reprendre pour établir leur bilan social. Généralement, pour plus de facilité et de lisibilité, nous conseillons de le présenter sous forme de tableau », fait savoir Aurélie Rozier. À noter que, depuis la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, le bilan social doit également mentionner “le nombre de salariés détachés et le nombre de travailleurs détachés accueillis”. Au-delà de la consultation du CE, le bilan social doit être communiqué aux délégués syndicaux, aux salariés (sans condition d’affichage) et à l’inspecteur du travail. Les sociétés anonymes sont aussi chargées de le transmettre aux actionnaires.

Négocier un accord de GPEC
Après le passage du seuil de 300 salariés, l’employeur doit également ouvrir des négociations avec les délégués syndicaux en vue d’un accord de GPEC. « Il y a une obligation légale triennale de négocier un tel accord mais pas de délai imposé sur sa mise en place en pratique, précise Fatiha Rakid-Favaretto, directrice associée du cabinet Dynam. La négociation en elle-même dure en moyenne entre trois et six mois, cela dépend beaucoup de la qualité des rapports entre la direction et les représentants syndicaux et de l’intérêt que ces derniers portent à cette démarche. Selon le contexte, les partenaires se placent dans une dynamique de recherche d’accord ou de simple obligation de négocier. » L’employeur qui ne prendrait pas l’initiative d’engager les négociations n’encourt pas de sanction pénale. « Néanmoins, sur le plan civil, le défaut de négociation pourrait amener les juges à être plus rigoureux vis-à-vis de l’entreprise en cas de licenciement collectif pour motif économique », note Romain Geller, juriste en droit social chez Fidal. Selon Sabine Saint-Sans, « il est raisonnable d’ouvrir le dialogue dans les six mois qui suivent le franchissement du seuil de 300 salariés ». Selon le Code du travail (article L2242-15), la négociation doit porter sur les mesures d’accompagnement en matière de formation, d’abondement du compte personnel de formation, de validation des acquis de l’expérience, de bilan de compétences, ainsi que de mobilité professionnelle et géographique des salariés. Les discussions doivent aussi traiter du recours aux différents types de contrats de travail ou encore des conditions dans lesquelles les entreprises sous-traitantes sont informées des orientations stratégiques de l’entreprise. « La négociation d’un accord de GPEC fait parfois peur aux syndicats, car c’est un outil qui peut amener à envisager une réduction de la masse salariale, avertit Sabine Saint-Sans. Cela peut crisper les négociations. » Au final, l’accord est validé s’il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % de suffrages au premier tour des dernières élections des titulaires au CE. Le cas échéant, il est enregistré par la Direccte et devient opposable au tiers. À défaut, c’est un PV de carence qui est transmis. « Il y a une obligation de moyens, pas de résultat », note Romain Geller. La révision est triennale.

Des automatismes RH à avoir
« Ici, les obligations liées au franchissement du seuil de 300 salariés consistent essentiellement à mettre en cohérence les processus de gestion des ressources humaines élaborés dans le cadre des seuils précédents (information / consultations en CE, accords négociés avec les délégués syndicaux…) », estime Fatiha Rakid-Favaretto. L’idée étant d’utiliser de façon optimale et efficiente tout le travail réalisé en amont. Cela implique qu’une entreprise qui franchit la barre des 300 salariés doit disposer d’une équipe RH accompagnée par un DRH car il y a, en particulier des automatismes qu’un Daf n’aura pas nécessairement.

 

Tags: bilan social, GPEC, négociation