
Aux termes d’un arrêt du 12 mars 2025 (n°23-22.756), la Cour de cassation vient juger que le véhicule de fonction, avantage en nature rattaché au contrat de travail, n’est pas maintenu pendant la période du congé de reclassement excédant la durée du préavis. Rappelant les règles de rémunation applicables à cette période particulière, la Cour de cassation apporte ici une solution inédite souvent source de malentendus pour les employeurs comme pour les salariés.
Un licenciement économique, un congé de reclassement, et une voiture à restituer
Dans cette affaire, plusieurs salariés d’un laboratoire pharmaceutique ont été licenciés pour motif économique. Comme le prévoit l’article L.1233-71 du Code du travail, l’entreprise a mis en place un congé de reclassement, lequel a été accepté par les intéressés.
Au-delà de la durée du préavis non effectué, l’employeur a demandé la restitution des véhicules de fonction mis à disposition des salariés licenciés. Ceux-ci ont contesté, invoquant une suppression illicite d’un avantage en nature équivalent à une baisse de rémunération, donc une modification unilatérale du contrat de travail. Les intéressés sollicitaient, en conséquence, des dommages-intérêts venant réparer leur préjudice subi à ce titre.
Pas d’avantage en nature après la fin du préavis, même en reclassement
La Cour de cassation rejette leur pourvoi. Elle rappelle que le congé de reclassement s’impute sur la durée du préavis, mais peut en excéder la durée. Lorsque c’est le cas :
- le salarié ne perçoit plus sa rémunération contractuelle, mais une allocation de reclassement au moins égale à 65 % de sa rémunération mensuelle brute antérieure ;
- cette allocation, versée par l’employeur, ne comprend pas les avantages en nature, lesquels sont liés à l’exécution du contrat de travail pendant la période de préavis.
La Cour en déduit que le salarié ne peut exiger le maintien du véhicule de fonction au-delà de la durée théorique de son préavis, dès lors qu’il perçoit une allocation spécifique et non plus son salaire contractuel.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante sur la nature du congé de reclassement, qui suspend le contrat de travail sans le rompre mais modifie le régime de rémunération applicable (Cass. soc., 4 juill. 2012, n° 11-10.732).
Un rappel bienvenu pour les entreprises : clarifier les règles du jeu
La portée de cet arrêt est double :
- clarification : il vient rappeler que les avantages en nature, comme le véhicule de fonction, sont liés à la rémunération contractuelle, et donc ne sont pas dus lorsque celle-ci est remplacée par une allocation ;
- sécurisation : l’employeur, en retirant le véhicule de fonction au terme du préavis, ne modifie pas unilatéralement le contrat de travail, puisque le contrat est déjà suspendu.
Sur le plan pratique, cette décision incite les employeurs à anticiper les restitutions de matériels (véhicules, téléphones, ordinateurs) et à communiquer clairement sur le périmètre des droits et obligations du salarié pendant la phase de reclassement.
Une décision pragmatique qui protège les employeurs contre des revendications injustifiées, mais qui mérite d’être clairement expliquée aux salariés.