
Venant transposer une dizaine de directives européennes, notamment sur la justice collective, la durabilité, les marchés financiers et la consommation, les apports de la loi DDADUE 2025 sont nombreux. Outre l’instauration des actions de groupe au sens large, celle-ci vient encore alléger temporairement les contraintes du reporting durabilité imposé par la CSRD. Une double réforme au cœur des enjeux ESG.
Un régime unifié pour les actions de groupe
Publiée au JO du 2 mai 2025 (L. n° 2025-391 du 30 avr. 2025), après validation du Conseil constitutionnel (Cons. const., 29 avr. 2025, n° 2025-879 DC), la loi DDADUE 2025 vient instaurer un régime autonome, unifié et transversal de l’action de groupe.
Applicable à toutes les actions engagées depuis la publication de la loi, ce régime permet aux victimes d’un même manquement (ou d’un manquement de même nature), d’origine légale ou contractuelle de demander :
- la cessation du manquement,
- la réparation des préjudices (quels qu’ils soient),
- ou les deux.
Les entités habilitées à exercer cette action de groupe sont, à cet effet, élargies (associations à but lucratif, syndicats représentatifs, entités qualifiées par l’UE ou encore le ministère public).
La loi nouvelle abroge l’ensemble des textes qui régissaient, ponctuellement, les actions de groupe, de sorte que le nouveau régime s’applique ainsi sans restriction.
Tel sera notamment le cas des litiges en lien avec les données personnelles, le droit du travail ou encore l’environnement, qu’il s’agisse d’obtenir la cessation du manquement ou la réparation de dommages collectifs (pollution, atteinte au climat ou à la biodiversité…).
En droit du travail, la réforme prévoit cependant une procédure préalable en cas de manquement imputable à un employeur :
- Une mise en demeure devra être adressée à l’employeur avec date certaine ;
- Celui-ci devra informer, sous un mois, le CSE et les syndicats représentatifs, lesquels peuvent solliciter qu’une discussion soit engagée sur les mesures permettant de faire cesser le manquement allégué ;
- L’action de groupe ne pourra être introduite qu’à l’issue d’un délai de six mois, ou si l’employeur rejette formellement la demande.
Ce mécanisme vise à favoriser la discussion interne avant le contentieux collectif, tout en permettant une voie judiciaire coordonnée lorsque la négociation échoue.
Enfin, la loi prévoit à cet effet :
- La tenue d’un registre public qui recensera les actions de groupe en cours (art. 16, IV) ;
- La désignation de tribunaux judiciaires spécialisés, selon un décret à paraître ;
- La possibilité d’une procédure collective de liquidation des préjudices, incluant la négociation entre le demandeur et le défendeur de l’indemnisation des préjudices subis par chaque des personnes constituant le groupe,
- Et une amende civile pouvant aller jusqu’à 50 000 € prononcée contre le demandeur ou le défendeur qui, de manière abusive ou dilatoire, ferait obstacle à la conclusion d’un accord au titre de la liquidation des préjudices.
Cette dernière amende se distingue de la nouvelle sanction autonome instaurée par la loi DDADUE en cas de faute dolosive ayant causé des dommages sériels (nouvel art. 1254 C. civ.).
Transposition de la CSRD : un cadre pragmatique, entre report et confidentialité
En cohérence avec la directive 2025/794 du 14 avril 2025 dite « stop the clock », la loi DDADUE vient transposer l’assouplissement du calendrier de mise en œuvre de la CSRD décidé au niveau européen.
Ainsi, le report de deux ans est acté pour les entreprises suivantes :
- Grandes entreprises et sociétés mères d’un grand groupe (vague 2) : publication à partir de 2028 (exercice 2027) au lieu d’une première publication en 2026 (pour l’exercice 2025) comme le prévoyait la CSRD ;
- PME cotées (vague 3) : première publication en 2029 (exercice 2028).
Notons que la loi DDADUE ne revient aucunement sur le seuil d’effectif, lequel est actuellement fixé à 1.000 salariés aux termes de la dernière proposition de directive COM (2025)0045), celle-ci restant toutefois en cours de discussion ; l’objectif affiché étant de réduire drastiquement le périmètre de sociétés concernées par le reporting.
La loi nouvelle permet également aux entreprises d’omettre temporairement (pour les rapports afférents aux trois premiers exercices) certaines informations sensibles (notamment celles de l’annexe C de l’ESRS 1 – Règlement délégué 2023/2772).
Cette non-publication devra cependant :
- être motivée par le conseil d’administration en raison de la possibilité, pour ces informations, de nuire gravement à la position commerciale de la société ;
- ne pas nuire à la compréhension fidèle de la situation de l’entreprise.
- Ces informations devront, en tout état de cause, être transmises à l’AMF.
Enfin, la loi DDADUE vient également dépénaliser les sanctions attachées à la non-désignation d’un OTI ou CAC chargé de certifier les informations de durabilité, leur non-convocation aux AG, ou tout obstacle à leur mission. Ces sanctions, initialement prévues à l’article L. 822-40 du code de commerce, sont ainsi supprimées pour ne laisser que la sanction de droit commun consistant à recourir au juge en cas d’information incomplète ou erronée.
Conclusion : convergence entre justice collective et RSE d’entreprise
La loi DDADUE 2025 consacre une réforme d’envergure, donnant corps à une action collective plus lisible, ouverte à de nouveaux acteurs, notamment dans les domaines environnementaux et sociaux. En parallèle, elle transpose la CSRD avec un sens marqué du réalisme : report général et allègement des sanctions tout en maintenant le cap sur la transparence extra-financière. Un tournant stratégique s’opère pour les entreprises et les justiciables.