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Application d’une hausse significative du prix après renouvellement tacite du contrat d’achat de licence

16 novembre 2023 | Derriennic associés|

La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) était interrogée par une entreprise sur la conformité de la pratique consistant à appliquer, après le renouvellement par tacite reconduction d’un contrat d’achat de licence conclu annuellement avec un intégrateur, portant sur un logiciel fourni par un éditeur, un tarif « public » représentant une augmentation significative du prix par rapport à l’année précédente. Nos avocats en droit de l’informatique vous aident à y voir plus clair.

Un professionnel interrogeait la CEPC sur la légalité de la pratique imposant, après le renouvellement tacite du contrat une augmentation du prix (de 48%) sans en avoir informé l’entreprise ni lui avoir donné la possibilité d’y consentir avant le renouvellement.  Au moment où la tacite reconduction du contrat a opéré dans son principe : les « prix publics » de l’éditeur de logiciels ne sont pas publiés sur le site internet, lequel indique seulement que ces tarifs sont « disponibles auprès du service commercial ».

Comme alternative, l’intégrateur a communiqué sa nouvelle offre au client, accompagnée des nouveaux tarifs de l’éditeur représentant pour le client une augmentation du prix de 46%, plus d’un mois après que la reconduction tacite eut joué. Le client exposait qu’une interruption des services de la solution informatique aurait entraîné l’arrêt de son activité commerciale et qu’il a donc été contraint d’accepter par la signature d’un bon de commande les nouveaux tarifs qui s’étaient imposés avec la reconduction du contrat, tout en adressant une lettre de réserve.

1) Sur les responsabilités encourues

L’intégrateur est “habilité” par l’éditeur à commercialiser la solution informatique de ce dernier et à « fournir un support en cas de difficultés techniques rencontrées par les clients ».

En application de l’article L. 442-1 I, 1° et 2° du code de commerce, la CEPC estime que le client ne peut pas, en l’absence de lien contractuel avec l’éditeur, rechercher la responsabilité de ce dernier sur le fondement de ce texte, mais uniquement celle de l’intégrateur, à charge pour celui-ci, le cas échéant, de se retourner contre l’éditeur sur le même fondement si les faits le justifient.

2) Sur la qualification des pratiques

L’avis de la CEPC porte successivement sur la tarification elle-même ainsi que sur la procédure de reconduction telle qu’elle est prévue dans les conditions générales du contrat

Les CGV de l’intégrateur, jointes au contrat en format non modifiable, prévoyant qu’en cas de renouvellement tacite il y aurait lieu de faire application, pour le nouveau contrat, du tarif public de l’éditeur en vigueur à la date d’échéance du contrat en cours, alors que les « prix publics » de l’éditeur de logiciels n’étaient alors pas publiés sur son site internet et qu’aucune information sur les nouveaux tarifs n’avait été communiquée par l’intégrateur, le nouveau prix s’est imposé au client qui, ne pouvant pas résilier le contrat faute de disposer d’une solution alternative immédiate, n’avait pas d’autre choix que d’accepter l’augmentation, ce qui pourrait caractériser une soumission.

Il devrait donc être possible, en disposant des éléments pertinents, de vérifier si la tarification augmentée ne constitue pas un avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné (C. com., art. L. 442-1, I, 1°), sachant qu’en ce cas également, et dans la mesure où elle aurait été imposée au client, elle serait susceptible de caractériser une soumission à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (C. com. art. L. 442-1, I, 2°).

Enfin, indique la CEPC, indépendamment de toute disproportion manifeste, les conditions dans lesquelles cette nouvelle tarification est intervenue pourraient caractériser un déséquilibre significatif dans les obligations respectives des parties (C. com., art. L. 442-1, I, 2°), dans la mesure où, par le jeu des stipulations contractuelles relatives à la reconduction du contrat, le client doit consentir au renouvellement sans connaître le coût de la licence qu’il aura à acquitter, ce qui permet à l’intégrateur de lui transférer le risque d’augmentation du tarif au cours de cette période, sans que l’on voie ce qui pourrait justifier un tel désavantage.

Source : Avis de la CEPC n° 23-9 du 4 octobre 2023