CONTACT

Assurance responsabilité professionnelle : l’opposabilité par l’assureur de la condamnation judiciaire de l’assuré

10 juin 2021 | Derriennic Associés|

Cass. civ. 3ème, 18 mars 2021, n° 20-13.915, P

Par un arrêt du 18 mars 2021, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation confirme une solution vieille de près de 50 ans selon laquelle l’assureur peut, pour dénier sa garantie, opposer au tiers victime et à son assuré la décision judiciaire ayant statué sur la responsabilité de celui-ci, laquelle détermine irrévocablement, au regard du contrat d’assurance, la nature du risque qui s’est réalisé.

Aux termes de son arrêt daté du 18 mars 2021, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation approuve les juges du fonds d’avoir refusé de mobiliser la garantie décennale d’une compagnie d’assurance au motif que la décision judiciaire définitive ayant retenu la responsabilité contractuelle de son assuré avait déterminé la nature du risque

En l’espèce, la société Axiclim, laquelle avait équipé une maison d’un système de géothermie, a vu sa responsabilité contractuelle être retenue par le Tribunal de grande instance d’Angers, en application de l’article 1147 ancien du Code civil, pour manquement à ses obligations contractuelles de conseil et de résultat à l’origine de défaillances du système de géothermie installé.

Par la suite, cherchant à bénéficier des garanties du contrat d’assurance décennale qu’elle avait souscrit auprès de la MMA, la société Axiclim a assigné son assureur en paiement d’une indemnité d’assurance, faisant valoir que le désordre affectant le système de géothermie rendait la maison impropre à l’usage auquel elle était destinée du fait qu’elle ne permettait pas de la chauffer correctement, et revêtait un caractère décennal.

Successivement, le Tribunal de grande instance du Mans, par jugement du 21 mars 2017, puis la Cour d’appel d’Angers, dans un arrêt du 10 décembre 2019, ont rejeté les demandes de la société Axiclim au motif que la responsabilité civile professionnelle contractuelle de la société Axiclim ayant été retenue sur le fondement de l’article 1147 anc. du Code civil par le Tribunal de grande instance d’Angers, l’assurance de responsabilité décennale souscrite auprès de MMA ne pouvaient pas être mobilisée, pas plus que les autres garanties incluses dans la police d’assurance.

Déterminée, la société Axiclim s’est pourvue en cassation et a invoqué le défaut d’autorité de la chose jugée des motifs soutenant la décision la condamnant à réparer les préjudices résultant de la défaillance du système de géothermie.

Précisément, la requérante a exposé que les juges du fonds n’ont pas, dans le dispositif de leurs décisions, tranché le fondement de la responsabilité de la société Axiclim et que les motifs venant au soutien de ces décisions, retenant la responsabilité contractuelle de la société Axiclim, n’ont pas autorité de la chose jugée, de sorte que la garantie décennale de l’assureur pouvait toujours être recherchée.

Cet argument ne convaincra pas la Haute juridiction qui confirme, par une réponse bien argumentée, une solution vieille de près de 50 ans.

La 3ème chambre civile rappelle tout d’abord la règle selon laquelle, en application de l’article L. 113-5 du code des assurances, la décision judiciaire condamnant l’assuré à raison de sa responsabilité constitue pour l’assureur de cette responsabilité la réalisation, tant dans son principe que dans son étendue, du risque couvert et lui est opposable, à moins de fraude à son encontre (Cass. civ. 1ère, 29 oct. 2014, n° 13-23.506).

Il en résulte donc que l’assureur, lequel ne peut contester sa garantie qu’au regard des stipulations de sa police (Cass. civ. 3ème, 18 février 2016, n° 14-29.200), peut opposer au tiers victime et à son assuré la décision judiciaire ayant statué sur la responsabilité de celui-ci, laquelle détermine irrévocablement, au regard du contrat d’assurance, la nature du risque qui s’est réalisé.

Appliquant ces règles au cas d’espèce, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir déduit de la circonstance que la condamnation de la société Axiclim était prononcée sur le fondement de la responsabilité contractuelle que le risque garanti ne s’était pas réalisé de sorte que les garanties de la police d’assurance n’étaient pas mobilisables, et rejette le pourvoi.