La CJUE a récemment été saisie d’une question épineuse : un service d’enregistrement vidéo à distance d’émissions TV transmises par voie terrestre peut-il bénéficier de l’exception de copie privée ?
Les Juges européens ont ainsi dû se pencher sur la légalité d’un tel service au regard de la Directive 2001/29/CE sur le droit d’auteur.
Le système en question fonctionnait comme suit : la plateforme exploitante capte le signal TV via ses propres antennes et enregistre la plage horaire de l’émission choisie par l’internaute sur un espace de stockage type cloud et met donc à la disposition dudit internaute une copie de l’émission concernée.
Dans son arrêt du 29 novembre dernier, la CJUE considère qu’un tel service possède en réalité une double fonctionnalité : la reproduction (enregistrement) et la mise à disposition d’œuvres protégées (accès aux émissions de certaines chaines), cette dernière fonctionnalité relevant de la communication au public (qui n’est pas couverte pas l’exception de copie privée).
Les juges européens ont alors souligné qu’en dépit de l’existence de l’exception pour copie privée, les titulaires des droits ne doivent pas être privés de leur droit d’interdire ou d’autoriser l’accès aux œuvres dont des personnes physiques souhaitent réaliser des copies privées.
Sur ce point, ils ont rappelés qu’aux termes de la directive sur le droit d’auteur, toute communication au public, y compris la mise à disposition d’œuvre ou objet protégés, doit être autorisée par le titulaire des droits ; la notion de communication au public devant être entendue largement (couvrant toute transmission ou retransmission d’une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion).
Les juges européens estiment, en l’espèce, que la transmission d’origine faite par l’opérateur de radiodiffusion et celle faite par la plateforme proposant le service en cause sont effectuées dans des conditions techniques différentes, suivant un mode différent de transmission des œuvres, chacune d’elles étant destinée à son public. Ils en concluent que la (re)transmission faite par la plateforme litigieuse constitue une communication au public différente de celle d’origine et doit, dès lors, recevoir l’autorisation des titulaires des droits d’auteur ou des droits voisins (sans qu’il y ait donc lieu de vérifier si les publics ciblés par ces communications sont identiques ou si la plateforme a ciblé un public nouveau). Aussi, faute d’avoir reçu une telle autorisation, la réalisation de copie d’œuvres par un tel service risque de porter atteinte aux droits des titulaires de droits.
En refusant d’accorder le bénéfice de l’exception de copie privée à un tel service d’enregistrement, cet arrêt pourrait remettre en cause la légalité de la redevance pour copie privée existante en France pour certains services de « Network Digital Video Recorder » (cf. loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine).
A suivre….