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Clap de fin pour l’affaire IBM / MAIF !

09 mai 2017 | Derriennic Associés|

 

La Cour de Cassation vient de mettre un terme à l’une des affaires judiciaires les plus emblématiques du droit des contrats informatiques, en rejetant le dernier pourvoi d’IBM. Retour sur une saga.

Après l’échec d’un premier projet ERP, dans le cadre de la refonte d’une partie de son système d’information, la MAIF concluait en 2004 avec IBM, maitre d’œuvre, un contrat d’intégration du progiciel SIEBEL pour un montant forfaitaire, dans un délai déterminé, dans le cadre d’une obligation de résultat. Le périmètre restait en réalité à parfaire et le projet devait connaitre des dérives de délais et de coûts, ne semblant pas techniquement réalisable dans les conditions initiales et les parties qui se rejetaient chacune la responsabilité de l’échec signaient en 2005 deux protocoles de recadrage portant sur le calendrier et le prix des prestations d’intégration, portant notamment le budget de 7 à 18M€. Mi-2006, la MAIF mettait un terme au projet en résiliant le contrat. IBM assignait la MAIF en paiement des factures et la MAIF à titre reconventionnel arguait de la nullité du contrat de demandait de conséquents dommages et intérêts.

  • Le Tribunal de grande instance de Niort le 14 février 2009, considérant qu’IBM aurait dû alerter son client sur le risque et s’en était abstenu pour remporter le marché, prononçait l’annulation du contrat aux torts d’IBM pour dol, ordonnant la restitution des sommes versées pour 1,6M€ et le versement de 9,5M€ de dommages et intérêts.
  • La cour d’appel de Poitier le 25 novembre 2011 infirmait le jugement : la MAIF, professionnel averti doté d’équipes d’informatiques aguerries, ne pouvait ignorer les risques et avait accepté de revoir les termes du contrat initial. Pour autant que le vice ait existé lors de la signature, la MAIF avait renoncé à s’en prévaloir en redéfinissant le projet par avenant. La responsabilité d’IBM était écartée ; la MAIF condamnée à payer les factures (5M€) se pourvoyait en cassation.
  • La Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) le 4 juin 2013 confirmait l’absence de dol, la MAIF ne pouvant soutenir avoir été trompée, mais retenait que la MAIF n’avait pas manifesté sa volonté non équivoque de substituer aux engagements initiaux ceux des nouveaux protocoles. La novation ne se présume pas ! C’est sur ce nouveau fondement que l’arrêt était cassé et les parties renvoyées devant la cour d’appel de Bordeaux.
  • Cette dernière, le 29 janvier 2015, rejetait les demandes d’IBM, ordonnait la résolution du contrat à ses torts et condamnait IBM à payer à la MAIF 5M€ de dommages-intérêts. L’ingérence du client, le manque de collaboration, bien que relevés par la Cour de renvoi, qui ne nie pas la part de responsabilité de la MAIF dans l’échec du projet, ne constituait pas une cause étrangère ayant la nature de la force majeure et n’avait pas atténué la responsabilité du prestataire. La gravité et les conséquences des fautes d’IBM au contraire justifiaient la résolution du contrat à ses torts exclusifs.

En mars 2015 IBM décidait de se pourvoir en cassation au motif que la MAIF demandait à titre principal, la confirmation du jugement qui avait prononcé la nullité des contrats et à titre subsidiaire de dire et juger qu’elle avait à bon droit résilié le contrat de 2004 aux torts d’IBM en raison des fautes de cette dernière. Ainsi en ordonnant la résolution judiciaire aux torts d’IBM, la cour d’appel, à qui il était demandé de constater la résiliation opérée par le jeu de la clause de résiliation contractuelle, aurait méconnu les termes du litige dont elle était saisie. En outre, s’agissant de la restitution du montant payé (les 1,6M€) consécutive à la résolution d’un contrat, IBM soutenait que les intérêts sont dus du jour de la demande en justice équivalent à la sommation de payer ; en condamnant IBM à payer à la MAIF des dommages-intérêts, avec intérêts à compter de la date de résiliation, la cour d’appel qui décidait de la résolution judiciaire du contrat aurait dû faire courir les intérêts du jour de la demande en justice de la MAIF.

Pour la Cour de cassation :

  • la MAIF se bornait à demander à être approuvée d’avoir résilié le contrat qui la liait à la société IBM ; c’est donc sans dénaturer les termes du litige que la cour d’appel a retenu que les fautes de la société IBM emportaient la résolution du contrat à ses torts, comme le demandait la MAIF ;
  • la résolution avait été mise en œuvre par la MAIF par une lettre valant mise en demeure et la cour d’appel a donc pu retenir la date d’effet de la lettre comme point de départ des intérêts au taux légal courant sur les sommes dont elle ordonnait la restitution.

La Cour considère donc que le moyen n’est pas fondé et qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et troisième moyens « qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». On pourra regretter de ne pas avoir pas eu l’éclairage de la Cour sur ce dernier argumentaire intéressant d’IBM.

La Cour rejette le pourvoi de l’intégrateur, mettant le point final à 20 ans de conflit, contractuel puis judiciaire.