
La Cour d’appel de Chambery a estimé, dans une décision du 22 mai 2025, qu’un traitement mis en œuvre par Google, à l’égard d’un professionnel de santé, dans le cadre de ses fiches Google My Business, est dépourvu de base légale.
Une Fiche Google My Business aux avis défavorables
Une dentiste a découvert l’existence d’une fiche Google My Business (GMB) la concernant, comprenant des avis très négatifs. Mécontente de ces avis, en particulier certains, qu’elle estimait avoir été déposés par des personnes complètement étrangères à son activité professionnel, la dentiste a exercé ses droits d’opposition et d’effacement auprès de Google afin d’obtenir la suppression de tous les avis.
Suite au refus de Google, qui lui a néanmoins indiqué qu’elle pouvait lui signaler les commentaires qu’elle estimait inappropriés, la dentiste a entamé une procédure judiciaire visant à obtenir l’effacement de l’ensemble de ses données personnelles traitées dans le cadre de sa fiche GMB.
Un défaut d’information ne justifiant pas l’effacement des données
Devant la Cour d’appel, la dentiste a estimé que le défaut d’information délivrée par Google quant au traitement justifiait d’obtenir l’effacement des données, l’article 17 du RGPD ouvrant le droit à un tel effacement en cas de traitement « illicite ».
Si la Cour d’appel a bien relevé que Google n’avait pas procédé à l’information requise au titre de l’article 14 du RGPD, elle a, en revanche, estimé qu’un tel manquement n’est pas de nature « à justifier la suppression des données collectées ».
Peut-être que Cour d’appel a estimé ici que le terme « illicite », employé par l’article 17 du RGPD, désigne un traitement dépourvu de base légale, plutôt qu’un traitement non conforme au RGPD.
L’intérêt légitime évalué à l’aune du degré de « contrôle effectif » de la personne concernée sur les avis
Google a indiqué que le traitement de données personnelles lié aux fiches GMB repose sur l’intérêt légitime, ce que la Cour d’appel a admis, précisant qu’il s’agissait de l’intérêt légitime de Google d’assurer le développement de son activité commerciale, via les recettes publicitaires.
Pour apprécier la réalité de la base légale, la Cour d’appel a procédé à une « mise en balance » entre, d’une part, l’intérêt légitime de Google et, d’autre part, les droits et intérêts de la dentiste, conformément aux recommandations de la CNIL et du CEPD. Dans le cadre de cette mise en balance, la Cour d’appel a pris en compte le degré de « contrôle effectif » de la dentiste, sur les avis déposés sur sa fiche GMB.
Elle a ainsi relevé que :
- la dentiste ne pouvait ni répondre aux avis, ni rectifier le contenu de sa fiche GMB sans créer un compte Google, ce qui constitue une adhésion forcée à un service commercial ;
- la dentiste ne pouvait pas répondre facilement aux avis, du fait du secret médical auquel elle est tenue et de l’anonymat de certains avis ;
- un avis ne peut être supprimé qu’a posteriori et suppose une démarche active de la personne concernée, « ce qui est contraire aux principes régissant la protection des données personnelles ».
La Cour d’appel a conclu de l’ensemble de ces éléments que l’intérêt légitime invoqué par Google n’était « pas justifié ». Le traitement des données personnelles de la dentiste était donc illicite, ce qui a justifié que la Cour d’appel ordonne l’effacement de l’intégralité de la fiche GMB, sans se cantonner aux avis litigieux.
On peut préciser ici qu’aucune autre base légale n’est envisageable en l’état, l’absence de contact entre Google et la personne concernée préalablement à la création de la fiche GMB ne permettant pas de recueillir un consentement ou de faire accepter des conditions d’utilisation, ce qui pourrait mettre en péril l’existence de ce service.
La Cour d’appel a également condamné Google au paiement de 10.000 € de dommages et intérêts au titre (i) des démarches entreprises par la dentiste pour obtenir le retrait de la fiche, (ii) du fait d’avoir été privée d’exercer son droit d’opposition et (iii) du préjudice moral résultant des avis négatifs invérifiables publiés sur sa fiche. En revanche, le préjudice de perte de clientèle du fait des avis négatifs allégué par la dentiste n’a pas fait l’objet d’une indemnisation, faute de preuves suffisantes.
Source : Cour d’appel, Chambéry, 2e chambre, 22 Mai 2025 – n° 22/01814