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Fiches Google My business : un traitement illicite ?

29 septembre 2022 | Derriennic Associés|

Le tribunal judiciaire de Chambéry, dans une décision du 15 septembre 2022, a condamné Google à supprimer une fiche Google My Business, en raison du défaut d’intérêt légitime de Google à traiter les données de la personne concernée.

Une dentiste a découvert l’existence d’une fiche « Google My business » la concernant, affichant son nom, son domicile et une notation et des avis liés à son activité professionnelle.

Cette dentiste a mis en demeure Google France de supprimer l’intégralité de la fiche, ce que Google France a refusé. La dentiste a assigné Google France, Google LLC et Google Ireland Limited devant le Tribunal judiciaire de Chambéry afin d’obtenir l’effacement de ses données, sous astreinte.

La dentiste a soutenu qu’une notation et un avis attribué à une personne constituent des données personnelles et a argué de la violation de plusieurs principes fondamentaux, caractérisés notamment par l’absence de formalités préalables (1.) et le caractère illicite du traitement (2.).

1. La demanderesse a invoqué l’absence de déclaration CNIL, le traitement ayant débuté en 2014, au moment où le régime déclaratif était encore en vigueur.

Sur ce point, les sociétés défenderesses ont invoqué l’article 112-1 du Code pénal, lequel affirme, en substance, le caractère rétroactif de la loi pénale plus douce. Cet argument a été retenu par le Tribunal judiciaire qui considère que « l’action pénale ne peut plus être ouverte », mais, qu’en revanche, cette absence de déclaration demeurait une faute civile.

Néanmoins, la sanction de l’effacement des données, demandée par la dentiste, n’étant pas encourue, la demande d’effacement formulée par la dentiste au titre de l’absence de respect des formalités préalable a été rejetée.

2. La demanderesse affirmait que le traitement était illicite, en raison de l’absence de recueil du consentement et d’intérêt légitime.

Le tribunal judiciaire, constatant que la dentiste n’avait pas consenti au traitement, a cherché à savoir si les sociétés défenderesses pouvaient se fonder sur l’intérêt légitime. La juridiction de premier degré a affirmé que cette base légale supposait, pour le responsable du traitement, d’avoir procédé à une pondération entre son intérêt légitime et les droits et intérêts des personnes concernées, leurs « attentes raisonnables ».

Le tribunal judiciaire a relevé :

  • que les avis ont « nécessairement des conséquences pour la future clientèle d’un professionnel » ;
  • que « l’internaute anonyme derrière son écran a une fâcheuse tendance à oublier tout sens de la modération, voire tout sens commun » ;
  • que les sociétés défenderesses n’ont mis en place « aucune mesure permettant d’identifier si besoin la source de l’information et de vérifier sa fiabilité » et
  • qu’il est compliqué pour le professionnel de répondre à des avis anonymes, d’autant plus lorsque ledit professionnel est soumis au secret médical ;

Le tribunal judiciaire en a conclu qu’il existait un « déséquilibre patent entre le professionnel et l’utilisateur du service » et que les sociétés défenderesses « ne justifient pas d’un intérêt légitime leur permettant de passer outre le consentement de la personne à voir publiées ses données personnelles et des avis accolés à ces données personnelles ».

En conséquence, en raison de l’absence d’« intérêt légitime impérieux et nécessaire au traitement », et à défaut de démonstration que le traitement était « nécessaire au nom du droit à l’information », la dentiste était fondée à exercer ses droits d’opposition et d’effacement.

Le Tribunal judiciaire a également relevé un non-respect du principe de loyauté et de transparence, étant donné qu’il n’existe « aucune notification visant à signaler aux professionnels l’existence de ces fiches ».

Les sociétés défenderesses ont, en conséquence, été condamnées à :

  • supprimer la fiche de la demanderesse sous astreinte de 100 euros par jour à l’issu d’un délai de deux mois ;
  • payer à la demanderesse 20.000 euros au titre du préjudice subi et 20.000 euros supplémentaires au titre de l’article 700.

Références de la décision : TJ Chambéry, 15 sept. 2022, n° 19/01427