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Des messages, mêmes racistes et xénophobes, échangés via la messagerie professionnelle du salarié ne peuvent justifier un licenciement pour faute grave

15 avril 2024 | Derriennic Associés|

Cass. Soc. 6 mars 2024, n°22-11.016

L’envoi de messages à caractère raciste et xénophobe par un salarié, via sa messagerie professionnelle, justifie-t-il son licenciement pour faute grave ?

La Cour de cassation répond par la négative.

Dans cet arrêt, la Cour rappelle le principe selon lequel le salarié a droit, y compris au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa privée, ce dont il résulte qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier en principe un licenciement disciplinaire. Elle vise à ce titre expressément l’arrêt rendu récemment par l’Assemblée plénière, qui avait rappelé ce principe à propos d’un salarié qui avait été licencié en raison de propos tenus dans le cadre d’une conversation Messenger, laissée accessible sur son ordinateur professionnel (Ass. Plén. 22 décembre 2023, n°21-11.330).

A nouveau dans cet arrêt, la Cour Suprême considère que l’employeur ne pouvait se prévaloir des messages litigieux à l’appui d’un licenciement disciplinaire, dès lors que ceux-ci s’inscrivaient dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe de personnes, qui n’avaient pas vocation à devenir publics et n’avaient été connus par l’employeur que suite à une erreur d’envoi de l’un des destinataires.

Elle confirme ainsi l’analyse de la Cour d’appel qui avait considéré que l’employeur ne pouvait se fonder, à l’appui d’un licenciement, sur le contenu des messages litigieux, qui relevaient de la vie personnelle de la salariée.

La Haute Juridiction précise toutefois que la lettre de licenciement ne mentionnait pas que les opinions exprimées par la salariée auraient eu une incidence sur son emploi ou dans ses relations avec les usagers ou ses collègues. Elle ajoute également que l’employeur ne produisait aucun élément démontrant que les courriels de la salariée auraient été connus en dehors du cadre privé et que son image aurait ainsi été atteinte. On peut ainsi penser que si les propos de la salariée avaient eu des répercussions dans ses relations de travail ou sur l’image de son employeur, ce dernier aurait pu s’en prévaloir à l’appui de son licenciement, sous réserve du contrôle de proportionnalité dicté par la Cour de cassation depuis son arrêt majeur précité du 22 décembre 2023.