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La diffusion de musiques lors d’obsèques donne lieu à versement de redevances à la SACEM

12 avril 2024 | Derriennic Associés|

Tribunal judiciaire de Paris – 3ème chambre 3ème section – 31 janvier 2024 RG n° 20/03574

Par un jugement en date du 31 janvier 2024, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné l’Omnium de gestion et de financement (OGF), propriétaire des Pompes Funèbres Générales, pour contrefaçon des droits d’auteurs. La SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) faisait grief à l’OGF de diffuser sans autorisation des œuvres musicales protégées lors d’obsèques.

Dans cette affaire, l’OGF avait passé un accord avec la SACEM en 2006 pour un versement de 1,93 euro HT par cérémonie, pour les droits d’auteur. A la suite d’une augmentation de 72% de ce tarif en 2019, l’OGF a refusé les nouvelles conditions tarifaires de la SACEM. Estimant ne pas devoir verser de redevances pour la diffusion de phonogrammes lors d’obsèques, a assigné la SACEM en nullité du contrat devant le tribunal judiciaire de Paris, arguant notamment :

  • qu’il n’y avait pas de communication au public ;
  • et que si tel était le cas, il s’agissait d’une cérémonie exclusive aux proches des défunts réalisée dans le cercle familial. Il n’y aurait donc pas de droits d’auteur à verser.

Les œuvres musicales sont protégées par les droits d’auteurs :

Pour rappel, les œuvres musicales sont protégées par des droits d’auteurs. Ces droits patrimoniaux permettent à l’auteur ou ses ayants droits d’exploiter l’œuvre. Ainsi, un contrat de représentation doit être conclu avant chaque diffusion entre la SACEM et l’organisateur de l’évènement. Ce contrat stipule la somme des redevances.

Sur l’argument de la communication au public :

Le Tribunal dans son jugement rendu le 31 janvier 2024, décide que « la diffusion par elle [OGF] de phonogrammes lors d’obsèques en présence sur place des proches du défunt constitue une communication au public, et partant, une représentation des œuvres au sens de l’article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle, de sorte que l’autorisation préalable des titulaires des droits est requise en application de l’article L. 122-4 du même code ».

La diffusion par OGF d’œuvres musicales lors des obsèques, sans l’autorisation préalable des titulaires des droits constitue une représentation non autorisée de ces œuvres et, ainsi, une contrefaçon de droits d’auteur.

Le cimetière étant un lieu public, la diffusion de musique lors d’événement constitue donc une communication au public.

Sur l’argument de l’exception de cercle de famille :

Cet argument est tout aussi écarté par le Tribunal : « à la différence des parents et amis du défunt qui, considérés comme formant un cercle de famille, diffusent gratuitement des phonogrammes par leurs propres moyens de sonorisation lors des obsèques, la société OGF n’est pas fondée à se prévaloir, pour elle-même, de l’exception de représentation privée et gratuite dans le cercle de famille de l’article L. 122-5, 1° du code de la propriété intellectuelle pour être dispensée de cette autorisation préalable dès lors que la diffusion de phonogrammes lors des obsèques est réalisée en exécution d’un contrat qui a un but lucratif ».

Le Tribunal prend soin de préciser que la famille qui diffuserait de la musique pourrait invoquer cette exception, mais pas la société de pompes-funèbres, professionnel de cette activité.

Le Tribunal judiciaire de Paris rend un jugement en faveur de la SACEM :

La société OGF organisant les obsèques selon un contrat a but lucratif, l’exception de représentation privée et gratuite ne peut s’appliquer. Le Tribunal rappelle donc que les deux conditions (caractère gratuit et privé) sont cumulatives pour pouvoir limiter les droits de l’auteur.

La société OGF est ainsi déboutée de toutes ses demandes et est, notamment, condamnée à payer à la SACEM les redevances contractuelles qui lui sont dues à hauteur de 69 116,49 euros, outre 10 000 euros de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon de droits d’auteur.