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Droit Social – Lettre d’actualité Mars 2020

04 mars 2020 | Derriennic Associés |

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Actualité croisée des juges du fond : le régime social des indemnités transactionnelles

Depuis les arrêts de cassation du 15 mars 2018, les sommes versées aux salariés dans le cadre de transactions peuvent échapper aux cotisations sociales dès lors que l’employeur est mesure de démontrer qu’elles concourent à l’indemnisation d’un préjudice. Le principe d’exonération ne doit donc pas être tenu pour acquis. Il faut encore prêter une attention toute particulière à la rédaction du protocole d’accord qui seul pourra éclairer le juge dans sa recherche du caractère indemnitaire des sommes en jeu. L’examen des arrêts de cours d’appel du second trimestre 2019 permet de relever, si ce n’est des critères, du moins quelques écueils à éviter.

Sept décisions ayant conclu à l’assujettissement retiennent l’attention. Plusieurs concernent l’hypothèse d’une transaction conclue après un licenciement pour faute grave. Dans ces espèces, l’Urssaf considère devoir réintégrer dans l’assiette des cotisations la somme équivalente au montant du préavis. A bon droit, selon les juges, dans les cas suivants :

  • le protocole n’indique pas explicitement que le motif de faute grave est maintenu ni que le salarié renonce à solliciter un préavis (CA Angers, 5 sept. 2019, n°17/00620 ; CA Grenoble, 31 oct. 2019, n°18/03409 ; CA Colmar, 12 déc. 2019, n°17/02210), position récemment confirmée par la Cour de cassation (Cass. Civ. 2ème, 20 janv. 2020, n°19-12225)
  • le protocole ne détaille pas le « préjudice subi des conditions de la rupture » ni la date et la teneur de la contestation du licenciement pour faute grave par le salarié (CA Toulouse, 25 oct. 2019, n°18/02509).

De manière générale et sur d’autres sujets, lorsque des sommes valant salaire peuvent être rattachées à la contestation du salarié, il y a également lieu de rester vigilant à l’assujettissement possible, retenu dans les cas suivants :

  • un protocole évoque en termes très vagues les griefs reprochés à l’employeur et ne se rattache qu’à la rupture alors que la transaction intervenant après une rupture conventionnelle ne peut régler qu’un différend relatif à l’exécution du contrat (CA Angers, 21 nov. 2019, n°17/00750)
  • un protocole intervenant à la suite de contestations judiciaires de plusieurs salariés afin d’obtenir des rappels de salaires sur des jours fériés et le paiement d’heures de récupération de leur dotation vestimentaire, les sommes versées étant destinées à indemniser ces jours non rémunérés (Civ. 2ème, 28 nov. 2019, n°18-22807).

En revanche, quelques décisions relèvent le caractère purement indemnitaire des sommes transactionnelles, échappant dès lors aux cotisations, dans les cas suivants :

  • il ressortait du protocole, conclu après démission du directeur général, que l’intéressé s’était retrouvé contraint et forcé de donner sa démission, de sorte que l’indemnité réparait bien un préjudice (CA Paris, 25 oct. 2019, n°14/13296)
  • le protocole prévoyait que les parties maintenaient le licenciement pour faute grave, que le salarié renonçait à contester dans toutes ses conséquences juridiques et financières (CA Aix en Provence, 8 janv. 2020, n°18/07487).

Il résulte de ce panorama jurisprudentiel que la rédaction du protocole transactionnel s’avère primordiale dans la détermination du caractère salarial ou indemnitaire des sommes en cause. Conclue après un licenciement pour faute grave, la jurisprudence nous incite à faire mention d’une part que l’employeur entend maintenir la faute grave et, d’autre part, que le salarié renonce à revendiquer toute somme au titre d’un préavis. Ces précisions ne doivent pas pour autant dispenser l’employeur de rédiger également avec soin le détail de la contestation et du préjudice. Pour en savoir plus, rendez-vous le vendredi 6 mars prochain pour notre Matinale dédiée au Contrôle Urssaf !

Les nouvelles mesures applicables au contentieux social introduites par la loi de la réforme de la justice du 23 mars 2019 et son décret d’application du 12 décembre 2019

La nouvelle réforme de la justice a remplacé les tribunaux de grande instance (TGI) et les tribunaux d’instance (TI) par une nouvelle juridiction, le tribunal judiciaire (TJ). Entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2020, elle apporte d’importantes modifications à la procédure civile. Le contentieux prud’homal est également impacté par cette nouvelle loi. Nous vous proposons un aperçu rapide des éléments que nous avons identifiés et qui modifient la procédure devant les juges prud’homaux.

Fin de la comparution volontaire devant bureau de conciliation :

Les modes de saisine des juridictions sont simplifiés et seules sont conservées l’assignation et la requête. La déclaration au greffe et la présentation volontaire des parties sont ainsi supprimées. Dès lors, le conseil de prud’hommes ne pourra être saisi que par requête.

Mentions obligatoires de la demande initiale :

À peine de nullité, toute requête devant le Conseil de prud’hommes doit comporter les mentions énumérées aux articles 54 et 57 du Code de procédure civile, c’est-à-dire :

  • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
  • L’objet de la demande ;
  • Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;
  • Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;
  • L’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
  • Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative ;
  • L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
  • L’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée ;
  • La date et la signature ;

Pas de représentation obligatoire dans le contentieux des élections professionnelles

Les parties sont dispensées de constituer avocat devant le tribunal judiciaire en cas de contestations relatives à l’électorat, l’éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l’élection des représentants du personnel au comité social et économique (CSE) d’entreprise, d’établissement et central. Il en est de même en ce qui concerne l’élection des représentants des salariés au conseil d’administration :

  • des caisses primaires d’assurance maladie, des caisses générales de sécurité sociale et des caisses d’allocations familiales ;
  • des sociétés anonymes, des établissements publics industriels et commerciaux ou administratifs lorsque la majorité de leur personnel est soumise aux règles de droit privé. L’élection des représentants des salariés au conseil de surveillance de ces entreprises est également visée.

La représentation n’est pas non plus obligatoire dans les cas suivants :

  • contestation de la désignation des délégués syndicaux et des représentants syndicaux au CSE d’entreprise, d’établissement, ou de groupe ;
  • contestation de la décision de la Direccte relative à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts du CSE ;
  • contestation donnant lieu à une saisie sur rémunération, la procédure étant orale ;
  • contestation de l’élection des représentants des assujettis aux assemblées générales des caisses de mutualité sociale agricole ;
  • contestation de la formation, l’exécution ou la rupture du contrat de travail entre l’employeur et le marin.

Principe de l’exécution provisoire de droit des décisions de première instance

Si l’exécution provisoire de droit a été étendue à toutes les décisions de première instance, ce n’est pas le cas pour les décisions rendues en matière de sécurité sociale et pour les jugements prud’homaux.

Le conseil des prud’hommes peut toujours ordonner l’exécution provisoire de ses décisions. Le décret complète même l’article R. 1454-28 pour préciser : « À moins que la loi ou le règlement n’en dispose autrement, les décisions du conseil du conseil de prud’hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire ».

Possibilité de bénéficier d’une procédure sans audience

Devant le tribunal judiciaire, il est désormais possible, avec l’accord des parties, de juger une affaire sans audience (article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire). En procédure orale, le dispositif permet au juge d’organiser les échanges écrits entre les parties, par lettres recommandées, ainsi que la communication du dossier au tribunal, sans qu’une première comparution des parties à l’audience soit requise.

Il ne semble pas que cette procédure soit prévue pour les contentieux prud’homaux, mais la pratique nous le dira.

La réforme de la procédure des référés :

Par ordonnance du 17 juillet 2019 (Ord. n° 2019-738, 17 juill. 2019, JO 18 juill.), cette procédure a été renommée « procédure accélérée au fond ». Un décret du 20 décembre 2019, applicable depuis le 1er janvier 2020 en précise les contours (D. n° 2019-1419, 20 déc. 2019, JO 22 déc.).

Le conseil de prud’hommes peut ainsi être amené à statuer selon la procédure accélérée au fond en cas de refus du congé de formation économique, sociale et syndicale par l’employeur ou de contestation des avis et mesures émis par le médecin du travail (C. trav., art. R. 2145-5 ; C. trav., art. R. 4624-45 et s.). Le jugement prud’homal est alors exécutoire à titre provisoire, à moins que la juridiction n’en décide autrement. Et si la formation du conseil statuant selon cette procédure est saisie à tort, l’affaire peut être renvoyée devant le bureau de jugement.

En matière sociale, le tribunal judiciaire peut également statuer selon la procédure accélérée au fond lorsqu’il est saisi :

Le code civil : filet de sécurité des commissions perdues…

Au moyen de fondements civilistes, la chambre sociale de la Cour de cassation ouvre ici le droit, pour le salarié injustement licencié, à un rappel de commissions sur les dossiers traités par ce dernier mais non encore réglés à la date de son licenciement et ce, alors même que le contrat de travail s’opposait à leur règlement.

Le contrat de travail d’un salarié prévoyait « qu’en cas de départ pour quelque cause que ce soit, le salarié n’aura plus aucun droit sur les dossiers (…) non réglés et aucune commission ne lui sera due à compter de la date de cessation du contrat ». Licencié, le salarié saisit le Conseil de prud’hommes. En cause d’appel, les magistrats confirment l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement mais déboutent l’intéressé de son rappel de commissions, rappelant à ce titre que la clause précitée s’opposait à ce que les dossiers clôturés postérieurement au licenciement fassent l’objet d’un règlement. Ce type de clause n’est pas sans rappeler les clauses dites de « bonne fin » aux termes desquelles le versement de la part variable est conditionné à l’encaissement par l’entreprise des sommes correspondantes (Cass. Soc. 30 nov. 2011, n°09-43183). L’arrêt est frappé de pourvoi par le salarié, lequel fait valoir d’une part que les modalités de versement d’une rémunération ne peuvent priver le salarié de celle-ci lorsque la prestation de travail correspondante a bien été exécutée avant la rupture. D’autre part et plus surprenant, le salarié se prévalait de l’article 1178 ancien du code civil aux termes duquel « la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement ». Ce faisant, il soutenait que son employeur l’ayant licencié sans cause réelle et sérieuse ne pouvait, en conséquence, se prévaloir de la condition de présence afférente aux commissions, cette condition étant « tombée » du fait qu’il en ait empêché l’accomplissement.

Accueillant ce moyen, la Cour de cassation censure les magistrats d’appel en relevant, au visa de l’article 1178 précité, que ces derniers n’ont pas tiré les conséquences légales qui s’imposaient alors qu’ils avaient constaté que « le salarié, éligible à ces commissions, avait été licencié sans cause réelle et sérieuse ». Autrement dit, du fait du licenciement, l’employeur avait empêché la condition (de présence) attachée aux commissions de se réaliser, de sorte qu’il en était redevable. La question se pose de savoir si cette décision n’intervient qu’en raison du caractère infondé du licenciement ou si tout licenciement, même fondé, pourrait justifier le rappel de commissions sur la base du texte civiliste. A notre sens, il y a lieu de considérer, pour deux raisons, que seul le licenciement injustifié caractériserait un empêchement de la condition. En premier lieu, le droit de licencier apparaît comme une prérogative légitime de tout employeur, de sorte que sa mise en œuvre ne saurait caractériser un empêchement volontaire de la réalisation d’une condition contractuelle. En second lieu, la Cour de cassation ne manque pas d’indiquer expressément que le salarié avait été licencié « sans cause réelle et sérieuse ». La solution n’en reste pas moins sévère en ce qu’elle revient à censurer une stipulation contractuelle au seul motif de l’absence de cause réelle et sérieuse.

L’apport de l’arrêt est triple. Il rappelle déjà que le droit civil s’applique incontestablement à la relation de travail. L’arrêt a également pour mérite de considérer valides les clauses conditionnant le versement des commissions au terme de l’opération commerciale qui les a fait naître et à la présence du salarié à cette période. Enfin, l’arrêt doit inciter les employeurs à la plus grande vigilance dès lors que le motif du licenciement avancé apparaît fragile : le licenciement invalidé par un juge pourrait ainsi faire resurgir le droit à commission de l’intéressé.

La prise de décisions au niveau du siège n’exclut pas la qualité d’établissement distinct

Cass. Soc., 22 janv. 2020, n°19-12011

Depuis l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, la notion d’établissement distinct fait l’objet d’une définition nouvelle dont le principal critère réside dans l’autonomie de gestion du chef d’établissement, notamment en matière de gestion du personnel. Aux termes d’un arrêt rendu le 22 janvier dernier, la Cour de cassation poursuit son œuvre de clarification, jugeant ici que la prise de décisions au niveau du siège n’est pas de nature à exclure l’autonomie de gestion de l’établissement.

Au cas d’espèce, la décision unilatérale l’employeur de ne retenir aucun établissement distinct avait été portée devant la Direccte, laquelle décide de retenir in fine six établissements distincts. La société conteste cette décision devant le tribunal d’instance, mettant en avant d’une part que l’autonomie budgétaire dont disposaient les responsables d’établissement était toute relative en ce sens que leurs propositions de budget devaient être approuvées par le siège et que, dans sa mise en œuvre, aucune dépense supérieure à 3.000 € ne pouvait être engagée sans la signature du directeur des opérations. D’autre part, en matière de gestion du personnel, le fait que les chefs d’établissement coordonnaient l’activité du personnel, contrôlaient leur emploi du temps, assuraient leur entretien annuel, présidaient auparavant les réunions des délégués du personnel ou encore pouvaient notifier des avertissements relevaient d’éléments inopérants dans la mesure où ce n’était qu’au seul niveau de la direction du siège qu’étaient prises les décisions d’engager et de promouvoir les salariés mais aussi de prendre à leur encontre des sanctions impliquant la rupture de leur contrat de travail. Pour l’employeur, les chefs d’établissement ne disposaient donc d’aucune autonomie réelle.

La Cour de cassation a déjà précisé que l’autonomie de gestion devait s’apprécier notamment par «l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable et une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service» (Cass. Soc., 19 déc. 2018, no18-23655). Dans un arrêt récent, elle avait encore précisé que « la centralisation de fonctions support et l’existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure l’autonomie de gestion des responsables d’établissement » (Cass. Soc., 11 déc. 2019, n°19-17298).

Qu’en est-il au cas d’espèce où l’autonomie budgétaire et les compétences managériales des chefs d’établissement étaient en cause ? Rappelant l’exact attendu de principe de son arrêt du 11 décembre, la Cour de cassation valide ici la décision du tribunal d’avoir reconnu six établissements distincts au motif que ceux-ci disposaient « d’une implantation géographique distincte », d’un « budget spécifique décidé par le siège sur proposition du chef de station, lequel, au regard de sa fiche de poste, participe à « l’élaboration des budgets » avec le siège » et de « l’autonomie en matière de gestion du personnel » caractérisée par le management du personnel, le fait d’être garant du respect du règlement intérieur, de pouvoir mener les entretiens de carrière et des entretiens préalables à éventuelles sanctions, de prononcer des avertissement et par le fait qu’il animait les réunions des délégués du personnel et pouvait présider le CHSCT aux termes de sa ficher de poste. Cet arrêt contribue donc à cerner plus précisément encore la définition nouvelle des établissements distincts pour lesquels il y a désormais lieu d’apporter une attention toute particulière aux délégations de pouvoir mais aussi aux fiches de poste des chefs d’établissement et ce, nonobstant toute procédure de validation ou de contrôle préalable par le siège de l’entreprise.

Dispositif de surveillance destiné à la sécurité utilisé à des fins de contrôle de l’activité des salaries

Cass. soc. 11-12-2019 n° 17-24.179 FS-D, Sté Fiducial Private Security c/ G. ; Cass. soc. 11-12-2019 n° 18-11.792 FS-PB, Caisse régionale de Crédit agricole mutuel

Un dispositif de surveillance destiné à la sécurité de l’entreprise qui a pour finalité de contrôler l’activité des salariés doit faire l’objet d’une information préalable des salariés et être soumis à l’information et consultation préalable du Comité social et économique.

Dans ces deux arrêts du 11 décembre 2019 de la Cour de cassation, des salariés ont été licenciés pour un comportement fautif détecté à l’aide d’un outil de contrôle qui n’avait pas pour objectif principal le contrôle de l’activité des salariés. Pour l’employeur ces éléments de preuve étaient recevables en justice sans avoir à justifier ni de l’information-consultation préalable des représentants du personnel ni de l’information des salariés sur ce dispositif de contrôle.

Il ressort de l’analyse combinée de 2 arrêts que le raisonnement de l’employeur n’est recevable que si le système de surveillance en cause n’est effectivement pas utilisé pour contrôler l’activité des salariés. A défaut, il doit avoir consulté le CSE et informé les salariés de l’existence de ce dispositif de surveillance, faute de quoi il n’est pas autorisé à collecter des données personnelles des salariés ni à se prévaloir des éléments de preuve recueillis au moyen de ce dispositif illicite pour établir une faute du salarié.

Dans la première affaire, un agent de surveillance est accusé de tentative de vol par un client dont il était chargé de surveiller les locaux. Ces faits sont révélés par les enregistrements des caméras installées dans le sous-sol de l’entreprise cliente, sur lesquels on le voit fracturer un placard. La Cour d’appel s’est fondée sur l’absence d’information du salarié quant à l’existence de ces caméras pour écarter la recevabilité comme moyen de preuve de ces enregistrements.

En l’espèce, la Cour de cassation relève qu’il ne résulte pas de la décision de la cour d’appel que ce dispositif de surveillance des locaux avait été utilisé avec pour finalité de contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions. La décision des juges du fond est en conséquence censurée par la Cour de cassation qui admet la recevabilité des enregistrements comme moyen de preuve de la faute du salarié.

Dans la seconde affaire, un système informatique de contrôle des opérations effectuées dans les établissements de crédit et dans les entreprises d’investissement, destiné à assurer la sécurité des données bancaires et une maîtrise des risques.

Ce système était également doté d’un outil de traçabilité permettant de restituer l’ensemble des consultations effectuées par un salarié, lequel avait révélé qu’un salarié procédait à des consultations autres que celles correspondant aux clients de son portefeuille.

L’intéressé contestait son licenciement pour faute grave motivé par les consultations abusives détectées grâce cet outil.

Les juges du fond, dont le raisonnement est approuvé par la chambre sociale de la Cour de cassation, décident que dès lors que le dispositif était utilisé pour contrôler les consultations du salarié, l’employeur aurait dû informer et consulter le comité d’entreprise sur l’utilisation de ce dispositif à cette fin. Comme il ne l’a pas fait, il ne peut pas se prévaloir des éléments de preuve ainsi recueillis pour prouver la faute du salarié, lesquels ont par conséquent été écartés des débats.

La solution est transposable au comité social et économique qui, en application de l’article L 2312-38 du Code du travail, doit être consulté sur les moyens et techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés.

Dès lors, il convient d’être extrêmement vigilent quant à la nature de l’information donnée aux

salariés et aux IRP :  la finalité du système ou son utilisation éventuelle à des fins de contrôle doit être exprimée clairement, faute de quoi le salarié obtiendra automatiquement que ces documents soient écartés des débats.

Le licenciement pour dénonciation de faits de harcèlement imaginaires ou l’impossible mauvaise foi du salarié !

Cass. Soc., 8 janv. 2020, n°18-14807

Aux termes d’un arrêt rendu le 8 janvier dernier, la Cour de cassation rappelle qu’un salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

Une salariée, responsable administrative et financière, accusait son supérieur hiérarchique de plusieurs faits de harcèlement, relayés par des courriers répétés de son avocat. Après enquête, l’employeur prononce son licenciement pour faute grave. La salariée obtient gain de cause devant le Conseil de prud’hommes qui juge son licenciement nul, confirmé en cause d’appel. L’employeur se pourvoit en cassation au motif d’une part, que la mauvaise foi du salarié doit être appréciée en tenant compte de toutes les circonstances ; d’une part, que celle-ci est nécessairement établie lorsque le salarié dénonce des faits inexistants ne reposant sur aucun élément, ces accusations étant objectivement de nature à nuire au salarié visé.

L’employeur insistait sur le fait que la salariée mettait en avant de nombreux faits aucunement étayés et que, tout au contraire, les enquêtes et mesures prises révélaient l’absence de tout harcèlement.

Pour écarter la mauvaise foi, la cour d’appel relève en premier lieu que « rien ne permet d’affirmer que cette dernière ait agi de mauvaise foi dans le but de nuire à son employeur, lequel pouvait envisager une issue à leur relation autre que celle pour le moins hasardeuse et risquée d’un licenciement pour faute grave pris au motif de la dénonciation de faits imaginaires de harcèlement moral ».  En second lieu, la cour relève que la lettre de licenciement montrait surtout l’absence de harcèlement, sans pour autant expliquer les causes du licenciement, l’employeur ne démontrant pas que les accusations de la salariée aient été divulguées et lui auraient créé un préjudice. Ce faisant, les juges du fond semblaient donc exiger, dans la démonstration de la mauvaise foi, une intention de nuire ou, à tout le moins, un préjudice causé à l’employeur du fait de ses accusations infondées.

Confirmant cette position, la Cour de cassation juge que la mauvaise foi du salarié ne peut se déduire de la seule circonstance que les faits ne sont pas établis. Quelques semaines avant, la Cour de cassation censurait une cour d’appel qui, pour écarter la mauvaise foi, exigeait une intention de nuire, alors qu’est seule importante la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce (Cass. Soc., 11 déc. 2019, n°18-18207).

Pourtant, cette mauvaise foi ne semble pas caractérisée au cas ici d’une salariée titulaire d’un diplôme lui permettant de connaître les aspects juridiques du harcèlement moral et qui avance pléthores de faits tous démentis, ou du moins non étayés, aux termes de l’enquête interne qui avait été menée ainsi que des pièces par elle rapportées devant le juge…La voie du licenciement d’un salarié ayant dénoncé des faits de harcèlement moral, pourtant objectivement infondés, semble donc de plus en plus périlleuse.

Les CDD pour les emplois à caractère saisonnier sont désormais taxés !

La loi 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 prévoit l’instauration d’une taxe forfaitaire de 10€ due par tout employeur pour chaque contrat de travail à durée déterminée conclu en application l’article L 1242-2, 3e du code du travail (emplois à caractère saisonnier).

Ce mécanisme de taxation forfaitaire a été soumis au Conseil constitutionnel qui l’a jugé conforme à la Constitution dans sa décision du 27 décembre 2019 (n 2019-796 DC).