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Conservation des données liées à la carte SIM : une atteinte justifiée et proportionnée à la vie privée

04 mars 2020 | Derriennic Associés |

La Cour européenne des droits de l’homme a affirmé, dans un arrêt du 30 janvier 2020, que la conservation des données personnelles des utilisateurs de cartes SIM prépayées par les opérateurs de téléphonie mobile n’emporte pas violation du droit à la vie privée.

La loi allemande sur les télécommunications impose aux opérateurs de téléphonie mobile de recueillir et de conserver des données personnelles (nom, prénom, adresse, date de naissance, etc.) relatives à leurs clients, y compris les utilisateurs de cartes SIM prépayées. Voyant dans ces dispositions une atteinte disproportionnée à leur vie privée, deux ressortissants allemands ont introduit une action devant la Cour constitutionnelle fédérale allemande, qui a estimé que les dispositions en cause étaient justifiées et proportionnées. Les deux particuliers ont intenté un recours devant la CEDH.

Dans cette décision du 30 janvier 2020, la CEDH a considéré que cette obligation légale imposant aux opérateurs de conserver les données à caractère personnel de leurs utilisateurs ne constitue pas une violation de l’article 8 de la Convention, protégeant le droit au respect de la vie privée des individus. En effet, les juges ont accueilli l’argumentaire de l’Etat allemand selon lequel la loi litigieuse (i) poursuit un but légitime de protection de la sécurité nationale, et (ii) constitue certes une atteinte à la vie privée de ses citoyens, mais que celle-ci est justifiée et proportionnée.

S’agissant de la poursuite d’un but légitime de protection de la sécurité nationale, la Cour a rappelé que les autorités nationales jouissent d’une certaine marge d’appréciation dans le choix des moyens permettant d’atteindre l’objectif légitime de protection de la sécurité nationale. Or, en l’espèce, les juges ont estimé que l’Allemagne n’avait pas enfreint sa marge de manœuvre en poursuivant les buts de sécurité nationale et de lutte contre les infractions pénales.

Ces objectifs apparaissent comme légitimes en ce qu’ils sont liés à la sûreté publique, la défense de l’ordre, la prévention des infractions pénales et la protection des droits d’autrui. En effet, les cartes SIM prépayées sont souvent utilisées par les délinquants en matière de criminalité organisée et de terrorisme car elles sont plus discrètes que les lignes de téléphone permanentes. Face à ces considérations, la Cour a estimé que cette ingérence était nécessaire car, de nos jours, les méthodes d’enquête doivent s’adapter aux moyens de communication modernes pour prévenir efficacement les infractions.

S’agissant de la proportionnalité de l’atteinte à la vie privée des citoyens, la Cour a considéré, après avoir mis en balance le droit à la vie privée des individus et les différents objectifs d’intérêt général évoqués, qu’un juste équilibre était respecté. En effet, les juges ont tenu compte des différentes garanties présentes dans la loi allemande, considérant ainsi que celle-ci est conforme aux exigences de la Convention.

Ils ont notamment relevé que les données recueillies étaient limitées de sorte à ne pas être trop personnelles (numéro de téléphone, nom, prénom, adresse et date de naissance), et ne permettre qu’une identification de l’utilisateur, et ce sur une période définie et limitée. En outre, les utilisateurs disposent de moyens de recours et de garanties effectives en cas d’abus, la loi énumérant par exemple de façon limitative les autorités habilitées à demander accès aux données collectées. Il existe donc des garde-fous juridiques suffisants.

Ainsi, après avoir rappelé que la protection des données personnelles relatives aux abonnés joue un rôle fondamental dans l’exercice du droit au respect de la vie privée, de sorte que toute utilisation de ces données ne doit pas être contraire aux garanties de l’article 8 de la Convention, la Cour a estimé que l’ingérence de l’Etat dans la vie privée des citoyens était conforme aux exigences de la Convention.

Lien vers la décision : ici