Cet arrêt, centré sur le contrat particulier visant l’appréciation de la faisabilité d’un projet informatique, permet de revenir sur les conditions d’application de l’obligation d’information et de conseil du prestataire, certes essentielle, mais dont la réalisation est corrélée à l’exécution de l’obligation de collaboration du client. Nos avocats en droit de l’informatique vous aident à y voir plus clair.
Une société spécialisée dans le commerce de gros de fournitures et d’équipements industriels souhaitait mettre en œuvre un projet informatique complexe consistant à regrouper sous un guichet unique l’ensemble des services utiles au bon fonctionnement d’un atelier. Elle s’adresse à un prestataire informatique pour réaliser une étude préalable sur la faisabilité et la viabilité du projet (PoC).
Insatisfaite des prestations rendues, elle saisit le tribunal de commerce de Grenoble afin de voir prononcer la résiliation du contrat et se voir allouer différentes sommes. Elle est déboutée, condamnée à payer, et interjette appel.
Les juges vont successivement analyser la responsabilité du prestataire, la question des retards de livraison, les non-conformités alléguées, avant d’étudier les demandes reconventionnelles de paiement des factures, de réparation du manque à gagner et autre indemnisation.
En se fondant sur l’interprétation du contrat (devis signés), la cour va considérer que le prestataire s’était engagé à fournir un démonstrateur de concept permettant des prospections commerciales, prototype susceptible de corrections, le périmètre de sa prestation ne consistait pas en la livraison d’une version finalisée et opérationnelle du produit informatique. La cliente était ainsi parfaitement informée que la plateforme définitive ne pouvait voir le jour immédiatement, le prestataire a bien conseillé un « PoC + » remplissant ses obligations d’information et de conseil. Des échanges des parties, les juges vont également déduire que le calendrier était prévisionnel et susceptible d’évoluer. Le prestataire avait informé que le délai était réaliste que dans des conditions de grande réactivité du client.
Or, c’est le client, faute de collaborer, contrairement à son engagement, notamment en s’abstenant de répondre, qui se trouve à l’origine du retard et ne peut donc le reprocher au prestataire. De même que le client ne peut faire grief des difficultés d’intégration de données, n’ayant pas respecté la structuration demandée.
Finalement, la cour relève que tant par ses réponses que ses propositions, le prestataire a engagé les efforts raisonnables pour trouver des solutions comme le prévoyait sa garantie. Le client ne rapporte pas la preuve d’une défaillance ou non-respect de l’obligation d’information et de conseil. Le jugement est par conséquent confirmé.
S’agissant des demandes économiques, le client, ne pouvant invoquer une exception d’inexécution sera condamné à payer les factures émises. La cour retient au surplus, contrairement aux premiers juges, que le client, interrompant les prestations, a privé le prestataire de la possibilité d’obtenir le montant initialement prévu au contrat et ajoute ce montant à la condamnation.
Le prestataire sera cependant débouté de sa demande de dommages et intérêts complémentaires, ne démontrant ni le comportement déloyal du client, ni son préjudice moral.
Source : Cour d’appel de Grenoble, Chambre commerciale, 12 octobre 2023 – RG n°22/00517