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Projet informatique et responsabilité du client mis en garde et informé de la nécessité d’augmenter la charge en personnel et en budget

07 mai 2021 | Derriennic Associés|

 

Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 11, Arrêt du 19 mars 2021, RG nº 17/20062

Dans un arrêt du 19 mars 2021, la Cour d’Appel de Paris a rejeté la responsabilité du prestataire informatique qui a satisfait à son devoir de conseil en attirant l’attention de sa cliente et l’a informée de la nécessité d’augmenter la charge en personnel et en budget sur le projet.

Un appel d’offres a été lancé en 2014 par la société WAVESTONE, le client, pour l’accompagnement d’un prestataire informatique garantissant le maintien des conditions de son Enterprise Resource Planning (ERP), et la définition et mise en place d’une stratégie visant à assurer la pérennité de la solution pour les 10 années à venir, ainsi que la mise en place de modules et fonctionnalités nouvelles.

Un contrat a été conclu le 24 juin 2014 par lequel la société WAVESTONE confiait au prestataire le maintien et l’évolution de son ERP tout en assurant la mise en place de futures évolutions mineures et majeures. Les lots 1 et 2 ont donné lieu à l’émission de deux factures le 31 mars 2015 à hauteur des sommes respectives de 6 240 euros TTC et 22 620 euros TTC, qui ont été réglées par la société WAVESTONE le 18 juin 2015.

Des difficultés étaient mises en exergue lors des réunions de comités de pilotage en 2015.

La société WAVESTONE adressait à la société XCS une première lettre recommandée le 6 août 2015 mettant en avant la volonté manifestée par cette dernière d’interrompre le contrat.

Le prestataire contestait avoir manqué à sa mission et soulignait que le non-respect de ses engagements par la société WAVESTONE rendait la réalisation de la mission difficile, voire impossible.

Le prestataire transmettait les éléments de chiffrage pour la réécriture du projet de convergence. Le 5 octobre 2015, le client adressait au prestataire une demande de règlement des pénalités contractuelles, suivie d’une nouvelle mise en demeure de respecter ses obligations et d’une troisième demande de règlement des pénalités contractuelles complémentaires. Une dernière mise en demeure était adressée par le client notifiant la résiliation du contrat en application termes contractuels aux torts du prestataire, lui impartissant de régler le montant des avances versées au titre des Tests de non-régression.

Le client a fait assigner son prestataire. Le jugement a ainsi :

  • Condamné la SAS XCG à rembourser à la SA WAVESTONE les montants payés au titre des avances soit 6 240 euros TTC et 22 620 euros TTC, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2016 ;
  • Condamné la SAS XCG à payer à la SA WAVESTONE la somme de 208 500 euros au titre des pénalités, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2016 ;
  • Condamné la SA WAVESTONE à payer à la SAS XCG la somme de 19 588,80 euros TTC au titre des deux factures de juin et juillet 2015 ;
  • Condamné la SAS XCG à émettre un avoir pour les factures d’août à novembre 2015 soit la somme de 42 924,73 euros TTC ;
  • Condamné la société XCG à payer à la SA WAVESTONE la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

La société SAS XCG a interjeté appel en faisait valoir qu’elle a mis en œuvre loyalement les moyens pour répondre aux obligations contractuelles en dépit de la manifestation, lors d’un comité de pilotage, de son intention de rompre le contrat du fait de la détérioration des relations entre les équipes, du modèle d’accompagnement du Maintien en Condition Opérationnelle (MCO) dont la volumétrie sous-estimée ne permettait pas de gérer les urgences, du caractère irréalisable du projet de convergence et du comportement de la société WAVESTONE, qui n’a pas limité les demandes d’évolution.

XCG a fourni 40,7 jours au traitement de 53 tickets d’évolution, soit un nombre largement supérieur à la moyenne contractuelle estimée sur la base d’une à deux anomalies par semaine, qu’elle soit mineure ou majeure.

La société WAVESTONE oppose les graves manquements imputables à XCG qui a justement été condamnée au règlement des pénalités contractuelles mais qui doit également réparation à raison des préjudices complémentaires causés par ses manquements.

Au visa de l’article 1184 du code civil, la Cour d’appel estime que, lors de l’audit réalisé préalablement à sa proposition commerciale, la société XCG a identifié les risques tenant à l’absence de documentation des processus de support actuel, au blocage de l’application du fait de l’absence d’administration du code et à l’absence de plate-forme de gestion dédiée pour la résolution des anomalies.

La Cour estime donc que cette sous-estimation de la volumétrie du Maintien en Condition Opérationnelle de l’application avait clairement été identifiée comme un risque par la société XCG dans son audit et ne peut lui être imputée comme une faute alors que la société WAVESTONE, mise en garde par l’audit et informée de la nécessité d’augmenter la charge en personnel et en budget, a préféré ne pas donner suite à la demande de XCG.

La Cour indique en conséquence qu’il ne peut être imputée à la société XCG une rupture fautive des relations contractuelles concernant le projet de Convergence alors qu’après avoir satisfait à son devoir de conseil en attirant l’attention de sa cliente sur la nécessité de fournir une documentation aussi précise que possible de la base historique.

Il en résulte que c’est par le fait de la société WAVESTONE qui ne lui a pas fourni les moyens d’assurer la reprise de la base historique des données et qui n’a pas renforcé la charge volumétrique du Maintien en Condition Opérationnelle que les lots 1 et 2 de la solution n’ont pu aboutir.

Le jugement sera par conséquent réformé et la société WAVESTONE qui est seule à l’origine de l’inexécution contractuelle sera déboutée de l’intégralité de ses demandes.