La Cour de cassation précise son revirement de jurisprudence consacrant la responsabilité pénale de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée et considère que, dans l’hypothèse d’une fraude à la loi, la responsabilité pénale de la société absorbante peut être engagée pour des faits commis par la société absorbée y compris lorsque l’opération de fusion-absorption est antérieure au 25 novembre 2020, date du revirement de jurisprudence. Les juges du fond doivent donc rechercher l’existence d’une fraude à la loi, y compris d’office pour déterminer la loi applicable au litige.
En 2014, une plainte avec constitution de partie civile visant une société absorbante a été déposée afin de dénoncer des faits de recel d’abus de biens sociaux qui auraient été commis en 1991 par la société qu’elle a absorbée en 2005.
En 2020, le juge d’instruction rend une ordonnance de non-lieu, confirmée par la Chambre de l’instruction, considérant que l’action publique était éteinte (i) à l’égard de la société absorbée dans le mesure où elle n’avait plus d’existence juridique au moment de la plainte et (ii) à l’égard de la société absorbante dans le mesure où l’opération de fusion-absorption était antérieure au 25 novembre 2020, date du revirement de jurisprudence consacrant la responsabilité pénale de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée.
La Chambre de l’instruction de Versailles écarte l’application du revirement de jurisprudence, intervenu le 25 novembre 2020, à l’opération de fusion-absorption litigieuse, intervenue en 2005, au visa du principe de prévisibilité de la loi pénale tel que prévu à l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Celle-ci considérant que « seule l’interprétation classique de la responsabilité pénale des personnes morales pouvait être envisagée par les acteurs et bénéficiaires de cette opération économique » ; autrement dit, la position retenue par la chambre criminelle à l’époque de l’opération en 2005, et non celle issue d’un revirement prétorien intervenu quinze ans plus tard, le 25 novembre 2020.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, au visa de l’article 121-1 du code pénal, faisant grief à la Chambre de l’instruction de ne pas avoir recherché si l’opération de fusion-absorption litigieuse ne constituait pas une fraude à la loi.
Elle admet que la responsabilité pénale de la société absorbante ne peut être recherchée en présence d’une opération réalisée antérieurement à la date du revirement de jurisprudence du 25 novembre 2020, sauf dans l’hypothèse d’une fraude à la loi affectant l’opération de fusion-absorbation, laquelle permet au Juge du fond d’appliquer, a posteriori, la loi pénale nouvelle, y compris lorsqu’elle est plus sévère.
La Cour de cassation rappelle les termes de l’arrêt du 25 novembre 2020 qui prévoit qu’« en cas de fusion-absorption d’une société par une autre société, la société absorbante peut être condamnée pénalement pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée avant l’opération, […] lorsque [cette] opération, quelle que soit sa date et quelle que soit la nature des sociétés concernées, a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale et qu’elle constitue ainsi une fraude à la loi. Dans ce cas, toute peine encourue peut être prononcée ».
Elle va même au-delà de l’arrêt du 25 novembre 2020 en imposant aux juges du fond de contrôler, y compris d’office, l’existence d’une fraude à la loi affectant les opérations de fusion-absorption litigieuses afin de déterminer la loi pénale applicable au litige.