CONTACT

Condamnation de Google à une amende de 2 millions d’euros pour des pratiques commerciales abusives

01 juillet 2022 | Derriennic Associés|

Pour rappel, la DGCCRF a mené, au cours des années 2015 et 2016, une enquête relative aux relations commerciales entre notamment les sociétés GOOGLE et les développeurs d’applications proposant sur le marché français leurs produits à la vente sur la plateforme Play Store (Google Play).

Lancée en 2008, GOOGLE Play est une boutique en ligne, qui permet la distribution d’applications qui s’appuient sur les fonctionnalités spécifiques d’Android et des terminaux sur lesquels le système d’exploitation est installé.

Les conclusions de l’enquête ont conduit le ministre de l’Économie à introduire contre GOOGLE une action sur le fondement de l’article L 442-612° du code de commerce.

En 2018, le Ministre a assigné Google lui reprochant, dans ses clauses contractuelles de 2015 et 2016, des tarifs imposés unilatéralement aux développeurs des applications mobiles, ainsi que la récupération des données des applications, la modification des contrats, la suspension ou la suppression de l’application.

Le Ministre avait identifié 7 clauses qui contreviennent à cet article dans la mesure où elles sont imposées par GOOGLE sans négociation effective aux développeurs d’applications et où elles traduisent la soumission ou la tentative de soumission des développeurs d’applications à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Le Tribunal constate que GOOGLE IRELAND LIMITED est bien en charge de la politique européenne en matière de relations avec les développeurs français.

Sur la soumission ou tentative de soumission :

L’article L. 442-6 1 2° du code de commerce vise le fait de « soumettre » ou de « tenter de soumettre». La soumission implique que l’un des partenaires se soit vu contraint d’accepter des conditions contractuelles sans pouvoir les négocier de manière effective.

Constat 1 : l’uniformisation des relations contractuelles pour tous les développeurs,

Constat 2 : L’analyse du déséquilibre significatif sera menée en fonction d’une analyse globale in concreto de l’économie du contrat et du contexte dans lequel celui-ci est conclu, élément essentiel du raisonnement, et non d’une analyse clause par clause.

Constat 3 : puissance économique incontestable de GOOGLE /78% de parts de marché des systèmes d’exploitation mobiles dans le monde et 65% en France / GOOGLE tient en dépendance un certain nombre de fabricants de smartphones

Le tribunal observe que la soumission est révélée par l’existence de cette place de leader et de ce rapport de force économiquement déséquilibré entre les parties, sans qu’il soit nécessaire de rechercher l’existence d’une position monopolistique, et que la jurisprudence se fonde pour l’établir sur un faisceau d’indices parmi lesquels le rôle incontournable de l’une des deux parties, la puissance de négociation de la société qui occupe une position de leader sur le secteur économique concerné par sa taille et sa notoriété, l’absence de marge réelle de négociation des cocontractants ou encore la présence des clauses litigieuses dans tous les contrats.

Sur la caractérisation de la violation de l’article L 442- 6/2° du code de commerce

Si le choix par GOOGLE d’un contrat d’adhésion n’est pas en soi critiquable au regard du nombre de contrats conclus, le fait d’exclure toute négociation doit avoir pour corollaire l’absence de clauses créant

un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Ainsi le principe de libre négociabilité n’est-il pas sans limite et il revient au tribunal d’apprécier si certaines stipulations contractuelles traduisent un tel déséquilibre.

Le tribunal relève ainsi que l’analyse globale et concrète de l’économie des contrats en cause, appréciée au regard du contexte dans lequel ils ont été conclus, conduit à un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

GOOGLE est par conséquent condamnée à une « amende civile » de 2 millions d’euros pour des pratiques commerciales abusives envers les développeurs d’applications mobiles.

Le groupe américain disposait de trois mois pour modifier les sept clauses de son contrat de distribution.

Source : Jugement du tribunal de commerce de paris du 28/3/22 (2018017655) : Ministre c/ Google