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Focus : L’adaptation du droit de la faillite aux mesures de lutte contre la crise sanitaire

11 mai 2020 | Derriennic Associés|

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A jour de la loi n°2020-546 du 11 mai 2020

La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie Covid-19. Conformément aux dispositions de l’article 4 de la loi, cet état d’urgence a initialement été fixé pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 24 mai 2020.

L’article 1er, I de la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 est venu proroger cet état d’urgence sanitaire au 10 juillet 2020 inclus.

La loi du 23 mars 2020 avait autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure permettant de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales, notamment en adaptant les dispositions du livre VI du code de commerce afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire sur les entreprises.

Ainsi, par ordonnance n°2020-341 du 27 mars 2020, les règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitants agricoles ont été adaptées à l’état d’urgence sanitaire.

 

I – L’état de cessation des paiements

Le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 27 mars 2020 fixe au 12 mars 2020 l’appréciation de la situation des entreprises ou exploitations agricoles s’agissant de l’éventuel état de cessation des paiements.

Ainsi, il ressort de l’article 1er de l’ordonnance du 27 mars 2020 que jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 10 octobre 2020, l’état de cessation des paiements est apprécié au regard de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020. Cela implique que même s’il y a une aggravation de la situation de l’entreprise pendant la période de l’état d’urgence sanitaire, l’état de cessation des paiements serait apprécié au 12 mars 2020.

Il en ressort que :

  • Lorsqu’une entreprise se retrouve en état de cessation des paiements entre le 12 mars et le 10 octobre 2020, elle peut solliciter l’ouverture d’un mandat ad hoc ou d’une procédure de sauvegarde, même si le critère légal d’absence de cessation des paiements est requis pour de telles procédures.
  • Lorsqu’une entreprise est en état de cessation des paiements de moins de 45 jours avant le 12 mars et dont la situation ne s’améliore pas jusqu’au 10 octobre 2020, elle peut demander l’ouverture d’une procédure de conciliation, même si le critère légal qui prévoit que l’état de cessation des paiements doit être inférieur à 45 jours n’est pas rempli.

Ces dérogations ont pour objectifs :

  • De permettre au débiteur de solliciter une procédure de prévention des difficultés afin de négocier avec ses principaux créanciers l’étalement de ses dettes et de faire face aux difficultés pendant cette crise sanitaire.
  • D’éviter l’ouverture d’une procédure collective du fait de la survenance ou de la prolongation de l’état de cessation des paiements pendant la crise sanitaire.

 

II – La prolongation des délais de procédures et de plans

  • Procédure de conciliation

L’article 1, II de l’ordonnance du 27 mars 2020 prévoit que la période de désignation du conciliateur, qui ne doit pas dépasser les cinq mois en temps normal, est prolongée de plein droit pour une durée de trois mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit en l’état actuel, jusqu’au 10 octobre 2020.

  • Les procédures de conciliation sont ainsi prolongées de plein droit pour une durée de 6 mois et 12 jours, sans qu’il ait besoin qu’une audience soit tenue à cette fin.

Quant aux exploitants agricoles, l’article 3 de l’ordonnance précise que jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 10 octobre 2020 :

  • Le juge ne peut refuser aux exploitants agricoles la désignation d’un conciliateur au motif que leur situation s’est aggravée postérieurement au 12 mars 2020 ;
  • L’état de cessation des paiements est apprécié au 12 mars 2020 lorsque l’accord de conciliation n’a pas mis fin à l’état de cessation des paiements.

L’objectif étant de restructurer la dette du débiteur à l’aide d’un conciliateur et de pérenniser l’activité du débiteur pendant cet état d’urgence sanitaire.

  • Procédures de redressement et liquidation judiciaire

L’appréciation de la date de cessation des paiements étant fixée au 12 mars 2020, l’ordonnance prévoit qu’en cas d’aggravation de la situation de l’entreprise pendant l’état d’urgence sanitaire, seul le débiteur pourra demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, ou le bénéfice d’un rétablissement professionnel, du fait de cette aggravation.

  • Ainsi l’entreprise qui se retrouve en état de cessation des paiements postérieurement au 12 mars 2020 n’est pas dans l’obligation de déclarer cet état dans les 45 jours, ce délai recommence à courir, en l’état actuel à compter du 10 octobre 2020.
  • Le débiteur en état de cessation des paiements pendant l’état d’urgence sanitaire a la possibilité de solliciter l’ouverture d’une procédure collective, mais jusqu’au 10 octobre 2020, une telle procédure ne peut pas être ouverte à l’initiative d’un créancier.
  • Le retard dans la déclaration de cessation des paiements entre le 12 mars et le 10 octobre 2020 n’expose pas le dirigeant à des sanctions personnelles pour avoir déclaré tardivement l’état de cessation des paiements.

Afin d’adapter le formalisme de saisine aux règles de confinement, l’article 2 de l’ordonnance dispose que les actes de saisine de la juridiction sont remis au greffe par tout moyen, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

  • Le débiteur qui souhaite solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire peut déposer une déclaration de cessation des paiements par voie dématérialisée, jusqu’au 10 août 2020.

Lorsque l’entreprise ne dispose pas de la trésorerie suffisante pour faire face à ses charges et notamment le paiement des salaires, l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire permet que ces salaires impayés soient pris en charges par l’Association pour la Gestion du régime d’assurance des créances des Salaires (AGS).

En ce sens, l’article 2 de l’ordonnance du 27 mars 2020 prévoit que les délais de prise en charge des créances salariales par l’AGS prévus au b, c et d du 2° et les délais prévus par le 5° de l’article L.3253-8 du code du travail, sont prolongés d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

En effet, l’AGS a mis en place des mesures exceptionnelles afin d’accompagner les entreprises en difficultés et de soutenir les salariés ainsi que les mandataires de justice, notamment par l’extension des délais de garantie, l’extension des délais de prise en charge, l’assouplissement du formalisme des relevés de créances (établis sous la responsabilité des mandataires judiciaires) et l’accélération du paiement des créances salariales.

Relativement aux plans de sauvegarde et de redressement en cours d’exécution au 12 mars 2020, l’article 1erde l’ordonnance dispose que :

  • Jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 10 octobre 2020, le président du tribunal peut prolonger la durée des plans, sur requête du commissaire à l’exécution du plan, dans la limite d’un délai de trois mois. Cette prolongation peut être prononcée pour une durée maximale d’un an, sur requête du ministère public.
  • Après l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit après le 10 octobre 2020), augmenté d’un délai de six mois (jusqu’au 10 avril 2021), le tribunal peut prolonger les plans pour une durée maximale d’un an, sur requête du commissaire à l’exécution du plan ou du ministère public.
  • Jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (jusqu’au 10 octobre 2020), le président du tribunal peut prolonger pour une durée de trois mois les délais imposés à l’administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, liquidateur ou commissaire à l’exécution du plan, sur requête de l’un d’eux. Il appartient au président du tribunal d’apprécier au cas par cas les circonstances exceptionnelles qui justifient la prolongation de ces délais (par exemple le délai imposé au liquidateur pour procéder à la réalisation des actifs).

Concernant les délais de procédure, l’article 2, II de l’ordonnance du 27 mars 2020 prévoit que jusqu’à l’expiration d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire soit en l’état actuel jusqu’au 10 août 2020, les durées suivantes sont prolongées d’un mois :

  • Les durées relatives à la période d’observation, au plan, au maintien de l’activité et à la durée de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée, ces durées étant prolongées de plein droit, sans qu’il soit nécessaire de tenir une audience ou de rendre un jugement. Toutefois, cela ne fait pas obstacle au fait que le tribunal puisse être saisi d’une demande de conversion de la procédure ;
  • Le délai de recours prévu à l’article L.661-9 du code de commerce.

En conclusion, un large panel de mesures exceptionnelles et dérogatoires a été mis en place par l’État avec la collaboration des mandataires de justice et de l’Association pour la Gestion du régime d’assurance des créances des Salaires (AGS) pour aider les entreprises à surmonter cette crise sanitaire. Cependant, toutes ces mesures ne sont pas définitives, des modifications sont envisageables en fonction de l’évolution de la situation actuelle et de la durée cet état d’urgence sanitaire.