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L’ « Inbox advertising » qualifié de spam par la CJUE !

23 décembre 2021 | Derriennic Associés|

Dans un arrêt du 25 novembre dernier, la CJUE a jugé que les messages publicitaires qui s’affichent dans une boite mail de réception dans une forme s’apparentant à celle d’un mail constituent une utilisation de courrier électronique à des fins de prospection directe (« spam ») au sens de la Directive « Vie privée et communications ».

Le litige portait sur des messages publicitaires diffusés dans les boites mails de réception d’utilisateurs d’un service de messagerie électronique « gratuit » (financé par la publicité payée par les annonceurs).

Cette diffusion présentait les particularités suivantes :

  • choix aléatoire des annonces et des utilisateurs destinataires des messages publicitaires ;
  • affichage des messages publicitaires dans la liste des mails, entre les mails reçus par un utilisateur ;
  • présentation des messages publicitaires proche de celle d’un véritable mail, à l’exception de trois caractéristiques distinctes : à la place de la date figurait la mention « annonce », l’expéditeur n’était pas indiqué et le texte apparaissait sur un fond gris ;
  • redirection de l’utilisateur vers un site Internet présentant la publicité via un simple clic sur la ligne correspondant au message publicitaire.

Ces particularités sont propres à la pratique dite de l’« Inbox advertising » dont la légalité a été soumise à la CJUE notamment au regard de la Directive 2002/58 dite « Vie privée et communications ».

Dans son arrêt, la CJUE a rappelé que l’objectif de la Directive est de « protéger les abonnés contre toute violation de leur vie privée par des communications non sollicitées effectuées à des fins de prospection directe, en particulier au moyen d’automates d’appel, de télécopies et de courriers électroniques, y compris les SMS » et que cet objectif doit être garanti « indépendamment des technologies utilisées », de sorte qu’il faut avoir « une conception large et évolutive d’un point de vue technologique du type de communications visées par cette directive ».

La CJUE a jugé que la pratique en cause porte atteinte à un tel objectif en considérant notamment que « contrairement aux bannières publicitaires ou aux fenêtres contextuelles, qui apparaissent en marge de la liste des messages privés ou séparément de ceux-ci, l’apparition des messages publicitaires (…) dans la liste des courriers électroniques privés de l’utilisateur entrave l’accès à ces courriers d’une manière analogue à celle utilisée pour les courriels non sollicités (appelés également « spam ») ».

Selon la CJUE, ces messages publicitaires peuvent être qualifiés de « communications visant la prospection directe » au sens de ladite directive du fait de leur nature visant la promotion de services et de leur diffusion sous forme d’un courrier électronique. A cet égard, il importe peu que le destinataire soit choisi aléatoirement : « Ce qui importe est qu’il existe une communication à finalité commerciale qui atteint directement et individuellement un ou plusieurs utilisateurs de services de messagerie électronique ».

La CJUE a également rappelé que l’utilisation de courrier électronique à des fins de prospection directe est autorisée « à condition que son destinataire y ait préalablement consenti ». Se fondant sur la Directive 95/46 (potentiellement applicable aux faits du litige) et le RGPD, la CJUE a jugé qu’un tel consentement doit se traduire « dans une manifestation de volonté libre, spécifique et informée de la part de la personne concernée ». Il appartient toutefois à la juridiction nationale de « déterminer si l’utilisateur concerné, ayant opté pour la gratuité du service de messagerie électronique (…), a été dûment informé des modalités précises de diffusion d’une telle publicité » « notamment au sein de la liste des courriers électroniques privés reçus », « et a effectivement consenti à recevoir [de tels] messages publicitaires ».

Par ailleurs, la CJUE a précisé que la Directive « Vie privée et communications » n’impose pas de constater la charge imposée à l’utilisateur du fait de cette pratique. Selon la Cour, c’est une des raisons pour lesquelles le consentement de l’utilisateur est justement est demandé, mais pas une exigence, quand bien même l’apparition des messages publicitaires litigieux entrave l’accès des courriers électroniques privés de l’utilisateur d’une manière similaire à celle utilisée pour les courriels non sollicités (« spam »), et impose bien une charge pour ledit utilisateur.

Il s’agit d’une interprétation très souple de la Directive « Vie privée et communications », dans la mesure où la CJUE a considéré que l’« Inbox advertising » constitue bien une communication commerciale par mail quand bien même elle ne consiste pas en l’envoi d’un véritable mail à l’utilisateur.

Il convient d’être donc particulièrement vigilant sur ce type de communications publicitaires soumises, selon la CJUE, aux règles anti-spam et, en particulier, au recueil d’un consentement valide au sens du RGPD.

Lien vers la décision : https://bit.ly/3qhczt4