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Juridiction compétente en matière de dénigrement sur Internet : de nouvelles précisions de la CJUE

11 mars 2022 | Derriennic Associés|

CJUE 21 décembre 2021 (Affaire C-251/20 Gtflix Tv)

Le litige opposait deux sociétés, l’une tchèque (Gtflix TV), l’autre hongroise (DR), qui produisent des contenus audiovisuels pour adultes.

GTflix TV, considérant que DR avait diffusé des propos dénigrants à son égard sur plusieurs sites internet, l’a assignée devant les juridictions françaises en formulant deux types de demandes :

  • la rectification des données publiées ;
  • la réparation du préjudice subi en raison des propos tenus.

La particularité de cette affaire résidait donc dans le caractère simultané de l’action en rectification et de l’action en réparation devant une même juridiction.

Les juridictions de première instance et d’appel se sont déclarées incompétentes.

La Cour de cassation a confirmé cette incompétence des juridictions françaises relativement à la demande de rectification des données publiées considérant, en particulier, que :

  • le centre des intérêts de GTflix TV est en République tchèque ;
  • la domiciliation de DR est en Hongrie.

En revanche, la Cour de cassation a saisi la CJUE d’une question préjudicielle : les juridictions françaises sont-elles compétentes relativement à la demande de réparation du préjudice causé à GTflix TV dans le territoire français alors qu’elles ne le sont pas pour apprécier la demande de rectification des données publiées ?

La CJUE, réunie en grande chambre, a répondu par l’affirmative.

Pour ce faire, la CJUE a notamment rappelé sa jurisprudence relative à la règle de compétence spéciale contenue dans l’article 7 point 2 du règlement n°215/2012 dit « Bruxelles 1 bis » laquelle vise tant le lieu de l’évènement causal que le lieu de la matérialisation du dommage.

Il ressort de l’arrêt de la Cour qu’une personne qui considère être victime d’une atteinte à ses droits de la personnalité via des propos publiés sur la toile a le choix entre :

  • intenter une action en responsabilité et demander la réparation de l’intégralité de son préjudice auprès des juridictions du lieu d’établissement de l’émetteur des propos (évènement causal) ou du lieu de son centre d’intérêts (matérialisation du dommage) ;
  • intenter une action auprès des juridictions de chaque Etat membre à partir duquel les propos sont ou ont été accessibles, lesquelles auront une compétence alors limitée au préjudice causé sur leur propre territoire.

En conséquence, dans cette affaire, les juridictions françaises devraient rester compétentes pour se prononcer sur la réparation du préjudice subi par GTflix TV sur le territoire français et ce, en dépit de leur incompétence pour se prononcer sur la rectification des données publiées.