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La clause limitative de responsabilité à hauteur du prix du contrat est valide !

11 mars 2022 | Derriennic Associés|

 « Seule est réputée non écrite la clause limitative de responsabilité qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur. La clause de limitation de responsabilité égale au prix du contrat ne vide pas de toute sa substance l’obligation essentielle du contrat, le prix du contrat constituant une référence économique, connue, alors que le dommage potentiel est incertain. »

Une société lance un appel d’offres pour le renouvellement de son système d’information et après réception d’une proposition technique et commerciale, retient un prestataire informatique avec lequel elle contractualise en 2015.

Le projet prend du retard et fait l’objet d’une réception seulement partielle. Devant l’impossibilité constatée du prestataire de livrer la solution commandée, les parties concluent un protocole d’accord en 2016, afin de mettre fin par anticipation à la prestation tout en permettant au client de trouver une solution de remplacement. Par ce protocole, les parties s’accordent sur l’arrêt des développements qui seront maintenus un an jusqu’à la livraison du socle applicatif par le nouveau prestataire.

Les parties devaient discuter de bonne foi d’un accord transactionnel mais elles semblent ne pas y parvenir puisque le client assigne son prestataire en 2018 aux fins de voir juger qu’il a manqué à ses obligations contractuelles et de le voir condamner à lui verser diverses sommes au titre des coûts de développement perdus, des surcoûts d’exploitation, de la surcharge de ses équipes, du préjudice moral et des frais juridiques.

Le prestataire considère pour sa part (i) avoir été mis dans l’impossibilité de mettre en production le système applicatif du fait des difficultés rencontrées par le client pour formuler ses besoins, des demandes additionnelles et de la décision du client d’arrêter le projet et (ii) avoir rempli son devoir de conseil en attirant l’attention du client sur le planning et l’informant de l’avancement via les comités de pilotages, que par conséquent les conditions de mise en œuvre de sa responsabilité ne sont pas réunies. À titre subsidiaire, il demande application de la clause limitative de réparation.

Le tribunal de commerce de Nanterre retient en substance que :

  • le périmètre du projet a varié d’un quart, du fait des demandes supplémentaires du client, ce qui était significatif mais insuffisant à expliquer l’échec du projet, ce d’autant que les possibilités d’ajout étaient prévues par le contrat ;
  • le prestataire n’a pas exécuté son obligation de conseil, d’alerte et de mise en garde du client ; il ne justifiait notamment pas avoir rempli son obligation d’envoi de compte-rendu des comités prévue au contrat, ni n’établissait avoir écrit au client pour la conseiller ou l’alerter de manière explicite ;
  • la clause limitative de responsabilité, prévue au contrat, qui limite le total cumulé des dommages-intérêts dus à 100% du prix, retient un plafond qui n’est pas dérisoire et qui ne vide pas de sa substance l’obligation essentielle du contrat ; la clause est licite.

Le prestataire voyant sa responsabilité engagée dans l’arrêt du projet est condamné à payer 200.000€ à titre de dommages et intérêts ; le client qui demandait plus du triple interjette appel.

La cour d’appel de Versailles va confirmer le jugement s’agissant de la responsabilité contractuelle du prestataire informatique. Elle relève qu’« il apparaît incompréhensible que [le prestataire] ait laissé son cocontractant souligner son incapacité à livrer le produit dans les délais convenus sans le contester » et utilise les termes du protocole d’accord signé. Ainsi le système applicatif n’a été que partiellement reçu et les correctifs apportés n’étaient pas adaptés, de sorte que le prestataire n’était pas en mesure de réaliser la prestation objet du contrat.

De la même manière, la cour, au visa de l’article 1150 du code civil et des termes de la clause limitative de responsabilité, reprend le raisonnement du jugement et écarte l’argument du client qui tendait à voir la clause réputée non écrite car, en raison du manquement de son débiteur à son obligation essentielle, elle aurait contredit la portée de son engagement. « Le plafond d’indemnisation [au prix] n’est pas dérisoire et ne vide pas l’engagement de sa substance, le prestataire n’étant pas ‘déchargé’ de son obligation essentielle, ni incité à ne pas s’exécuter. Le fait qu’il s’agirait pour le client d’une mission stratégique ne saurait justifier que cette clause, convenue entre les parties, soit écartée. »

 La clause est opposable au client, étant précisé que « le prix » ne correspond pas au montant payé mais bien au montant du forfait contractuel.

La cour, ayant reconnu la responsabilité du prestataire, analyse les différents postes de préjudice pour déterminer l’indemnisation du client. De nouveau, elle suit les premiers juges qui ont opéré une juste appréciation du préjudice. Notamment, elle considère qu’il convenait bien de prendre en considération la maintenance du système applicatif assurée pendant un an, sans qu’elle en soit rémunérée, alors que le protocole d’accord n’induisait pas sa gratuité. Concernant les développements réalisés, le client ne justifie pas de l’absence de reprise, pour autant, les juges constatent l’important travail réalisé par le nouveau prestataire, induisant une refonte très importante du système applicatif. Ils retiennent également les ressources temporaires auxquelles le client a dû faire appel pour pallier les dysfonctionnements ainsi que le fait qu’ils ont provoqué un travail supplémentaire qui a été assumé par plusieurs salariés du client, participant à son préjudice.