CONTACT

La condamnation d’un élu pour maintien de contenus illicites sur son « mur » Facebook ne viole pas la Convention des Droits de l’Homme

06 décembre 2021 | Derriennic Associés|

En 2011, le candidat d’un parti nationaliste aux élections législatives poste, sur son mur Facebook, un message public dans lequel il se félicite du lancement de son site internet de campagne et tourne en dérision celui de son adversaire politique, un élu sortant, dont il critique également le bilan.

Deux utilisateurs du réseau social réagissent à cette publication y apposant les commentaires suivants : (i) « Ce grand homme a transformé Nîmes en Alger, pas une rue sans son khebab et sa mosquée ; dealers et prostituées règnent en maître […] …. Merci et kiss à Leila » ; (ii) « Des bars à chichas de partout en centre-ville et des voilées …. Voilà ce que c’est Nîmes, la ville romaine soi-disant… L’UMP et le PS sont des alliés des musulmans » etc. ».

La compagne de l’élu, visée par le premier commentaire, dénonce les faits au ministère public et les deux auteurs furent poursuivis pour provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, nation, race ou religion déterminée, puis condamnés par le tribunal correctionnel et la cour d’appel de Nîmes.

Le candidat, titulaire de la page Facebook litigieuse, fut également reconnu coupable en sa qualité de producteur d’un site de communication au public en ligne mettant à disposition du public des messages adressés par des internautes (art. 93-3 de la loi du 29 juill. 1982), pour ne pas avoir retiré promptement les messages litigieux comme il lui incombait.

Après épuisement des voies de recours, celui-ci se saisit la Cour Européenne des droits de l’Homme (« CEDH ») considérant que sa condamnation violait le principe de liberté d’expression et l’article 10 de la Convention dans la mesure où (i) le premier commentaire avait été retiré par son auteur moins de 24 heures après sa publication, (ii) qu’une plus grande liberté d’expression devait être accordée en période électorale, et que (iii) sa responsabilité pénale en tant que producteur était excessive dans la mesure où les auteurs directs des propos avaient été identifiés et sanctionnés.

Dans sa réponse, la Cour relève que les propos litigieux visaient explicitement la communauté musulmane en l’associant à la délinquance et à l’insécurité et étaient de nature à « susciter un fort sentiment de rejet et d’hostilité envers le groupe des personnes de confession musulmane, réelle ou supposée ».

Aussi, la Cour reconnaît qu’il est fondamental, dans une société démocratique, de défendre le libre jeu du débat politique dans un contexte électoral mais souligne que cette liberté n’est pas absolue et que le langage employé en l’espèce ne pouvait être camouflé ou minimisé par le contexte électoral.

Au contraire, la Cour relève que la qualité d’élu du requérant n’était pas une circonstance atténuant sa responsabilité dès lors qu’il lui incombait, au contraire, d’éviter la diffusion de propos susceptibles de nourrir l’intolérance.

En synthèse, la Cour juge que les motifs invoqués par les juridictions internes étaient pertinents et suffisants et que l’ingérence dans la liberté d’expression n’avait pas été disproportionnée et apparaissait nécessaire dans une société démocratique.