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Le pouvoir limité du juge des référés dans l’appréciation des dispositions d’un contrat informatique

06 décembre 2021 | |

Un contrat de service a été conclu en 2006 entre un client, spécialisé dans la conception de produits en bois, et un prestataire, développant l’ERP « PHIL.BOI » à partir de la solution d’un éditeur tiers (MemSoft). Tacitement reconduit d’années en années, ce contrat a permis au client de faire développer par le prestataire des modules spécifiques, de telle sorte que l’activité de ce dernier reposait presque intégralement sur cet ERP.

A la suite d’un différend avec l’éditeur, le prestataire s’est tourné vers l’outil Dynamics Nav, édité par Microsoft, pour les versions ultérieures de l’ERP « PHIL.BOI ». Le Prestataire a alors proposé à ses clients de les accompagner pour migrer vers son nouvel ERP et a informé son client qu’il cesserait de mettre à jour l’ancienne version de « PHIL.BOIS ».

Soutenant l’existence de plusieurs manquements du prestataire, le client a résilié le contrat en 2017 et a mis en demeure le prestataire de lui communiquer ses codes sources. Dans un premier temps, le prestataire n’opposait pas de refus à cette demande, sous réserve d’un accord sur les conditions financières. Par la suite, elle lui indiquait qu’elle ne transmettrait pas les codes sources et lui proposait de continuer à exploiter l’ancienne version de PHIL.BOI, sans pouvoir prétendre à des évolutions et/ou mises en conformité.

Saisi par le client, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Strasbourg a :

  • constaté que sa demande se heurtait à une contestation sérieuse, la transmission des codes sources étant soumises à certaines conditions contractuelles, non respectées en l’espèce ;
  • enjoint le client à cesser d’utiliser le progiciel PHIL.BOI pour lequel il ne payait plus de redevances, avec astreinte de 100€ par jours de retard.

Le client a interjeté appel de cette ordonnance aux fins de s’opposer à l’interdiction qui lui était faite d’utiliser l’ERP, indiquant que :

  • son activité reposait sur cette solution (et notamment sur les développements spécifiques réalisés) et que le fait d’être privée de tout droit d’utilisation aurait pour effet de paralyser totalement son activité ;
  • dans la mesure où le prestataire s’opposait à lui transmettre les codes sources, elle sollicitait uniquement que lui soit reconnu le droit d’utiliser les fonctionnalités développées spécifiquement pour elle.

La Cour d’appel a rejeté les demandes de l’appelante au motif que :

  1. il existait une contestation sérieuse quant au fait de savoir si les codes sources devaient être transmis, ce point impliquant une analyse des dispositions du contrat et des conditions de la rupture ;
  2. il y’avait un trouble manifestement illicite résultant de la poursuite de l’utilisation des licences par le client dans la mesure où le contrat, qui ne prévoyait qu’un droit d’usage au profit du client pendant la durée du contrat, avait été résilié en 2017 et que les redevances n’étaient plus payées depuis ;
  3. le client disposait malgré tout d’un droit d’exploitation pour une solution équivalente au logiciel PHIL.BOI qui a depuis lors été développé par la société MEMSOFT, sous entendant par là qu’il n’y avait pas de risque imminent pour l’activité du client.