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La démonstration de l’originalité du logiciel, préalable à toute demande en condamnation pour contrefaçon

04 avril 2024 | |

L’affaire portée devant le CA de Nancy opposait un développeur, d’abord indépendant puis devenu salarié du client, un courtier en assurance, a développé pour celui-ci, un logiciel de tarification des primes d’assurances.

Le développeur à la suite de son licenciement, saisit le tribunal d’une requête en saisie contrefaçon contre son ex-employeur puis l’assigne au fond, afin d’obtenir sa condamnation pour contrefaçon de son logiciel.

En 1re instance, le Tribunal judiciaire de Nancy estimant l’action fondée, condamne le courtier à verser au développeur 65 000€ au titre de la contrefaçon, reconnaissant, un usage illicite du logiciel, le courtier a fait appel de cette décision.

Par un arrêt du 5 février 2024, la Cour d’appel de Nancy vient ainsi préciser les contours de l’originalité, condition de la protection du logiciel par le droit d’auteur.

La Cour d’appel rappelle qu‘il appartient à celui se prévaut de la qualité d’auteur d’un logiciel de rapporter in concreto la preuve de l’originalité de ce dernier, laquelle résulte classiquement des choix qu’il a opérés, d’un apport intellectuel propre et d’efforts personnalisés et qu’il incombe au juge de rechercher au cas par cas si l’auteur a fait preuve de l’effort personnalisé requis, allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante en exposant en quoi les choix opérés en témoignent.

Cela étant, les magistrats nancéiens déboutent le développeur de sa demande de contrefaçon au motif que celui-ci ne verse aucun document (cahier des charges, documentation) permettant à la Cour de comprendre l’originalité du logiciel.

En effet, les explications fournies par le développeur ne révèlent aucun apport créatif dès lors qu’elle se borne à exposer un objectif de fonctionnalités obtenues grâce à des langages informatiques, à des algorithmes communs (AES 256, Hufman, Blowfish, MD5), à une infrastructure en open source (Jquery- Ajax) et à une base de données MySQL également en open source, sans préciser quels sont les arbitrages qu’il a été amené à opérer entre les choix qui s’offraient à lui dans la conception du logiciel en cause.

Par conséquent, le développeur échoue à apporter la preuve d’un apport intellectuel propre résultant des choix qu’il aurait réalisés dans le développement du logiciel en cause, sa demande en contrefaçon est déclarée irrecevable.

Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui impose l’exigence absolue de démonstration de l’originalité d’un logiciel pour que celui-ci bénéficie de la protection prévue au titre du droit d’auteur, cette originalité doit être démontrée par la preuve de la structure individualisée du logiciel, conséquence des choix du développeur.

L’enjeu de la charge de la preuve de l’originalité du logiciel[1] est donc primordial pour un développeur, celui-ci doit impérativement détailler l’originalité de son logiciel à l’aide par exemple d’une documentation, afin de se voir couvrir par la protection du droit d’auteur.

Source : Cour d’appel de Nancy – 1ère Chambre – 5 février 2024 – n° 22/01661