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La mise en oeuvre du télétravail ne peut s’effectuer que sur la base du volontariat

27 septembre 2008 | François-Pierre LANI| JDN - Management

François-Pierre Lani (avocat) : « La mise en oeuvre du télétravail ne peut s’effectuer que sur la base du volontariat »

7 % environ des salariés en France sont concernés par le télétravail, dont une majorité de cadres. Si les nouveaux modes de communication rendent de mode de travail plus accessible, il n’en reste pas moins difficile à mettre en œuvre dans la pratique. Il n’est en effet toujours pas encadré et reconnu en tant que tel par la loi.

François-Pierre Lani a fait le point sur la réglementation existante lors d’un chat avec les lecteurs de JDN Management.

Existe-t-il une définition précise du télétravail ?

Oui, l’accord national interprofessionnel relatif au télétravail a donné la définition suivante : une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail utilisant les technologies de l’information dans le cadre d’un contrat de travail et dans laquelle le travail est effectué hors des locaux de l’employeur de façon régulière.

Lorsqu’on travaille en télétravail, est-on soumis aux mêmes horaires qu’au bureau ?

En fait, tout dépend de l’accord convenu (qui doit être écrit sous forme d’avenant ou d’accord d’entreprise) entre l’employeur et l’employé. On peut effectivement être soumis aux horaires du bureau ou négocier une organisation spécifique du temps de travail et ce, dans le cadre des limites légales.

Est-ce qu’un employeur peut installer des logiciels sur l’ordinateur du salarié pour savoir ce qu’il a vraiment fait pendant la journée ?

La mise en place du télétravail est basée sur le principe de la confiance et de la responsabilisation. Dès lors, on privilégie l’autonomie dans l’organisation du travail du télétravailleur. La mise en place d’outils de contrôle du temps de travail est cependant permise. Ces outils doivent être clairement déclarés au comité d’entreprise, au salarié et doivent être limités au strict contrôle du temps de travail.

Quelle différence y a-t-il entre le télétravail et le travail à domicile ?

Tout travail à domicile ne se fait pas systématiquement sous forme de télétravail (par exemple, un ouvrier relieur peut effectuer cette tâche à domicile sans jamais utiliser un outil informatique). De même, on peut être télétravailleur sans jamais travailler à domicile (le télétravailleur est hébergé chez un client, un partenaire de l’entreprise, voire travaille dans sa voiture). En fait, le télétravail est un travail effectué à distance des locaux « officiels » de l’entreprise.

L’employeur participe-t-il à mes frais de téléphone ou d’internet ?

L’employeur doit financer l’ensemble des outils nécessaires au télétravail et lister ces outils dans le cadre de l’accord avec l’employé. On peut ne pas faire prendre en charge certains éléments (par exemple les locaux, l’électricité, …) et les déduire au titre des frais réels dans le cadre de sa déclaration d’impôt sur le revenu.

Comment mettre en place le télétravail ? Quelle liberté est accordée au salarié ? Comment est-il surveillé ? Les éclairage de Maître François-Pierre Lani, avocat au barreau de Paris.

Y a-t-il des avantages en nature spécifiques au télétravail ?

Pas vraiment. Les règles du droit commun s’appliquent notamment concernant un véhicule de fonction. Cependant, on pourrait considérer que certains éléments pris en charge par l’employeur pourraient constituer des avantages en nature spécifiques (une télévision pour effectuer de la téléconférence ou des éléments mobiliers).

Mon employeur me demande de passer au télétravail. Puis-je refuser ? Quels sont les risques ?

Oui vous pouvez refuser. La mise en œuvre du télétravail ne peut s’effectuer que sur le volontariat. Ainsi, en aucun cas, un licenciement ne peut être fondé sur un refus de l’employé de se mettre en télétravail.

Que se passe-t-il si le salarié en télétravail se blesse sur son lieu de travail… c’est-à-dire chez lui ? Est-ce considéré comme un accident du travail ?

Dès lors qu’un employé « se blesse » sur son lieu de travail, il tombe sous le régime protecteur de l’accident du travail sauf s’il s’est blessé en dehors du temps de travail. L’employé devra ainsi prouver que l’accident est arrivé dans le cadre de l’exécution de son travail.

Comment doit procéder un employeur qui souhaite mettre en place le télétravail ?

Ma préconisation : si vous entendez le généraliser alors il faut mettre en place un accord d’entreprise (signé avec les délégués syndicaux) avec consultation du CE. S’il est individualisé au cas par cas, vous devez systématiquement consulter le comité d’entreprise s’il y en un, ou les délégués du personnel sinon, puis signer un avenant spécifique avec votre salarié.

Suite à un changement de direction, le télétravail est remis en question dans mon entreprise.

Peuvent-ils m’obliger à revenir travailler sur place ?

Problème classique. La nouvelle direction remet souvent en cause le télétravail institué. Là encore, le retour « en arrière » se fait généralement avec l’accord de l’employé mais l’accord interprofessionnel a prévu trois cas pour lesquels l’employeur peut remettre en cause le télétravail :

  • le télétravail nuit à la qualité du travail et à l’exercice du lien de
    subordination,
  • le projet qui nécessitait le télétravail est terminé,
  • l’employeur confie des tâches qui nécessitent une présence
    constante dans l’entreprise.

Y a-t-il des modalités permettant de faire une partie de sa semaine chez soi en télétravail et le reste dans l’entreprise ?

Oui il s’agit alors du télétravail « pendulaire ». En fait, c’est une alternance entre le travail en entreprise et le travail à distance. Par exemple, l’employeur peut souhaiter que le salarié soit présent en entreprise les lundis et vendredis de chaque semaine ou que l’employé soit présent en entreprise une semaine par mois…

Comment évalue-t-on un salarié en télétravail ?

Essentiellement sur le résultat de ses travaux et bien sûr peu sur son comportement en entreprise ou en équipe. Enfin, il peut bien entendu être évalué sur sa réactivité, sur sa capacité à respecter les consignes, à partager son savoir… Comme dans un travail classique.

Dans le cadre du télétravail, ai-je le droit de m’absenter de chez moi comme je le souhaite pendant les heures de bureau ? En théorie non, mais le télétravail c’est aussi la flexibilité. Ainsi, en pratique, cela évidemment se fait sans aucun risque de sanction de l’employeur, notamment si vous restez joignable. Je précise. L’employeur ne peut vous reprocher de ne pas être systématiquement joignable durant votre temps de travail comme dans le cas d’un travail classique – vous pouvez faire des pauses durant lesquelles vous allez chercher vos enfants !

Comment faire valoir les heures supplémentaires que nous pouvons effectuer les samedis et dimanches, par exemple ?

Généralement le télétravail va avec le forfait jour, c’est-à-dire que vous êtes présumé travailler 218 jours dans l’année et que vous organisez votre temps de travail comme vous le souhaitez. Si vous prouvez que vous travaillez plus de 218 jours à la demande de votre employeur, alors vous pouvez bénéficier des dispositions sur les heures supplémentaires.

Moi j’aimerais passer au télétravail mais même dans des métiers « technologiquement au point » je trouve que ça n’est pas rentré dans les mœurs… Quels arguments peut-on avancer pour aller en ce sens ?

Votre employeur peut trouver un avantage à généraliser le télétravail :

  • diminution des coûts de structure,
  • flexibilité dans le temps de travail,
  • souvent une meilleure productivité.
  • Le télétravail doit encore faire ses preuves en France. Enfin, demeurent encore un certain nombre d’inconnues au titre des droits et obligations de chacun. On peut espérer que tant la jurisprudence que le législateur viendront encadrer le télétravail (par exemple sur les accidents du travail, le temps de travail, le contrôle du travail, l’exercice des droits du salarié…)

Tags: contrat de travail, salarié, télétravail, volontariat