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La prise de décisions au niveau du siège n’exclut pas la qualité d’établissement distinct

02 mars 2020 | Derriennic Associés |

Cass. Soc., 22 janv. 2020, n°19-12011:

Depuis l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, la notion d’établissement distinct fait l’objet d’une définition nouvelle dont le principal critère réside dans l’autonomie de gestion du chef d’établissement, notamment en matière de gestion du personnel. Aux termes d’un arrêt rendu le 22 janvier dernier, la Cour de cassation poursuit son œuvre de clarification, jugeant ici que la prise de décisions au niveau du siège n’est pas de nature à exclure l’autonomie de gestion de l’établissement.

Au cas d’espèce, la décision unilatérale l’employeur de ne retenir aucun établissement distinct avait été portée devant la Direccte, laquelle décide de retenir in fine six établissements distincts. La société conteste cette décision devant le tribunal d’instance, mettant en avant d’une part que l’autonomie budgétaire dont disposaient les responsables d’établissement était toute relative en ce sens que leurs propositions de budget devaient être approuvées par le siège et que, dans sa mise en œuvre, aucune dépense supérieure à 3.000 € ne pouvait être engagée sans la signature du directeur des opérations. D’autre part, en matière de gestion du personnel, le fait que les chefs d’établissement coordonnaient l’activité du personnel, contrôlaient leur emploi du temps, assuraient leur entretien annuel, présidaient auparavant les réunions des délégués du personnel ou encore pouvaient notifier des avertissements relevaient d’éléments inopérants dans la mesure où ce n’était qu’au seul niveau de la direction du siège qu’étaient prises les décisions d’engager et de promouvoir les salariés mais aussi de prendre à leur encontre des sanctions impliquant la rupture de leur contrat de travail. Pour l’employeur, les chefs d’établissement ne disposaient donc d’aucune autonomie réelle. 

La Cour de cassation a déjà précisé que l’autonomie de gestion devait s’apprécier notamment par « l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable et une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service » (Cass. Soc., 19 déc. 2018, no18-23655). Dans un arrêt récent, elle avait encore précisé que « la centralisation de fonctions support et l’existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure l’autonomie de gestion des responsables d’établissement » (Cass. Soc., 11 déc. 2019, n°19-17298).

Qu’en est-il au cas d’espèce où l’autonomie budgétaire et les compétences managériales des chefs d’établissement étaient en cause ? Rappelant l’exact attendu de principe de son arrêt du 11 décembre, la Cour de cassation valide ici la décision du tribunal d’avoir reconnu six établissements distincts au motif que ceux-ci disposaient « d’une implantation géographique distincte », d’un « budget spécifique décidé par le siège sur proposition du chef de station, lequel, au regard de sa fiche de poste, participe à « l’élaboration des budgets » avec le siège » et de « l’autonomie en matière de gestion du personnel » caractérisée par le management du personnel, le fait d’être garant du respect du règlement intérieur, de pouvoir mener les entretiens de carrière et des entretiens préalables à éventuelles sanctions, de prononcer des avertissement et par le fait qu’il animait les réunions des délégués du personnel et pouvait présider le CHSCT aux termes de sa ficher de poste. Cet arrêt contribue donc à cerner plus précisément encore la définition nouvelle des établissements distincts pour lesquels il y a désormais lieu d’apporter une attention toute particulière aux délégations de pouvoir mais aussi aux fiches de poste des chefs d’établissement et ce, nonobstant toute procédure de validation ou de contrôle préalable par le siège de l’entreprise.