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Le licenciement pour dénonciation de faits de harcèlement imaginaires ou l’impossible mauvaise foi du salarié !

02 mars 2020 | Derriennic Associés |

Cass. Soc., 8 janv. 2020, n°18-14807:

Aux termes d’un arrêt rendu le 8 janvier dernier, la Cour de cassation rappelle qu’un salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

Une salariée, responsable administrative et financière, accusait son supérieur hiérarchique de plusieurs faits de harcèlement, relayés par des courriers répétés de son avocat. Après enquête, l’employeur prononce son licenciement pour faute grave. La salariée obtient gain de cause devant le Conseil de prud’hommes qui juge son licenciement nul, confirmé en cause d’appel. L’employeur se pourvoit en cassation au motif d’une part, que la mauvaise foi du salarié doit être appréciée en tenant compte de toutes les circonstances ; d’une part, que celle-ci est nécessairement établie lorsque le salarié dénonce des faits inexistants ne reposant sur aucun élément, ces accusations étant objectivement de nature à nuire au salarié visé.

L’employeur insistait sur le fait que la salariée mettait en avant de nombreux faits aucunement étayés et que, tout au contraire, les enquêtes et mesures prises révélaient l’absence de tout harcèlement.

Pour écarter la mauvaise foi, la cour d’appel relève en premier lieu que « rien ne permet d’affirmer que cette dernière ait agi de mauvaise foi dans le but de nuire à son employeur, lequel pouvait envisager une issue à leur relation autre que celle pour le moins hasardeuse et risquée d’un licenciement pour faute grave pris au motif de la dénonciation de faits imaginaires de harcèlement moral ».  En second lieu, la cour relève que la lettre de licenciement montrait surtout l’absence de harcèlement, sans pour autant expliquer les causes du licenciement, l’employeur ne démontrant pas que les accusations de la salariée aient été divulguées et lui auraient créé un préjudice. Ce faisant, les juges du fond semblaient donc exiger, dans la démonstration de la mauvaise foi, une intention de nuire ou, à tout le moins, un préjudice causé à l’employeur du fait de ses accusations infondées.

Confirmant cette position, la Cour de cassation juge que la mauvaise foi du salarié ne peut se déduire de la seule circonstance que les faits ne sont pas établis. Quelques semaines avant, la Cour de cassation censurait une cour d’appel qui, pour écarter la mauvaise foi, exigeait une intention de nuire, alors qu’est seule importante la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce (Cass. Soc., 11 déc. 2019, n°18-18207).

Pourtant, cette mauvaise foi ne semble pas caractérisée au cas ici d’une salariée titulaire d’un diplôme lui permettant de connaître les aspects juridiques du harcèlement moral et qui avance pléthores de faits tous démentis, ou du moins non étayés, aux termes de l’enquête interne qui avait été menée ainsi que des pièces par elle rapportées devant le juge…La voie du licenciement d’un salarié ayant dénoncé des faits de harcèlement moral, pourtant objectivement infondés, semble donc de plus en plus périlleuse.