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Le Conseil d’Etat veille à ce que les auteurs aient effectivement droit, d’emblée, à une rémunération appropriée

21 décembre 2022 | Derriennic Associés|

Le Conseil d’État a annulé l’ordonnance du 12 mai 2021 portant transposition de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique du 17 avril 2019 dans la mesure où « elle ne prévoit pas que les auteurs cédant leurs droits exclusifs pour l’exploitation de leurs œuvres ont le droit de percevoir une rémunération appropriée ».

L’action a été introduite par le Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices, ainsi que par la Ligue des auteurs professionnels, lesquels demandent l’annulation pour excès de pouvoir des articles 4, 5, 9, 11 et 12 de l’ordonnance du 12 mai 2021 portant transposition de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique du 17 avril 2019.

En effet, cette ordonnance est venue amender les dispositions du Code de la propriété intellectuelle afférentes à la possibilité de révision du prix pour lésion ou prévision insuffisante, en modifiant l’article L. 131-5 du Code de la propriété intellectuelle, notamment de la façon suivante :

 » I.- En cas de cession du droit d’exploitation, lorsque l’auteur a subi un préjudice de plus de sept douzièmes dû à une lésion ou à une prévision insuffisante des produits de l’œuvre, il peut provoquer la révision des conditions de prix du contrat.

Cette demande ne peut être formée que dans le cas où l’œuvre a été cédée moyennant une rémunération forfaitaire.

(…)

II.- L’auteur a droit à une rémunération supplémentaire lorsque la rémunération proportionnelle initialement prévue dans le contrat d’exploitation se révèle exagérément faible par rapport à l’ensemble des revenus ultérieurement tirés de l’exploitation par le cessionnaire. (…) »

Cependant, l’ordonnance susmentionnée n’a pas modifié les dispositions de l’article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle concernant la rémunération des auteurs, lequel prévoit uniquement le principe de proportionnalité de celle-ci et la possibilité d’y déroger, dans des cas limitativement définis :

 » La cession par l’auteur de ses droits sur son œuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l’auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation. Toutefois, la rémunération de l’auteur peut être évaluée forfaitairement dans les cas suivants :

1° La base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée ;

2° Les moyens de contrôler l’application de la participation font défaut ;

3° Les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à atteindre ;

4° La nature ou les conditions de l’exploitation rendent impossible l’application de la règle de la rémunération proportionnelle, soit que la contribution de l’auteur ne constitue pas l’un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l’œuvre, soit que l’utilisation de l’œuvre ne présente qu’un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité ;

5° En cas de cession des droits portant sur un logiciel ; (…) ».

Or, ce faisant, le Conseil d’Etat considère que le législateur a oublié de prévoir le principe d’une rémunération appropriée dès l’origine (c’est à dire à priori et non à postériori grâce à la possibilité de révision prévue à l’article L. 131-5 du Code de la propriété intellectuelle) et ce, qu’elle soit proportionnelle ou, à titre dérogatoire, forfaitaire  : « si l’ordonnance attaquée a créé, à l’article L. 131-5 du code de la propriété intellectuelle, d’une part, une action en révision des conditions du contrat pour lésion ou prévision insuffisante des produits de l’œuvre lorsque celle-ci a été cédée moyennant une rémunération forfaitaire et, d’autre part, pour la transposition de l’article 20 de la directive, un droit à rémunération complémentaire lorsque la rémunération proportionnelle initialement prévue se révèle exagérément faible, elle n’a pas prévu, contrairement à ce qu’exige la directive, que la rémunération soit, d’emblée,  » appropriée  » ».

Une modification de l’article L.131-4 du Code de la propriété intellectuelle est donc à prévoir.

Source : CE, 15 nov. 2022, n° 454477