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Le Tribunal judiciaire de Paris contraint Twitter de communiquer des données d’identification

16 avril 2021 | Derriennic Associés|

Par une ordonnance de référé du 25 février dernier, le Tribunal judiciaire de Paris a ordonné à Twitter de communiquer les données d’identification d’un compte Twitter diffusant des propos prétendument diffamatoires.

Le litige opposait d’une part, Mme X, créatrice d’une chaine Youtube sur laquelle elle partage les moments de loisirs de sa famille et dont ses enfants sont les protagonistes principaux et, d’autre part, la société Twitter International (ci-après « Twitter ») laquelle exploite un réseau social du même nom.

En l’espèce, au mois de juillet 2020, un « hashtag » sur la plateforme Twitter a été créé pour dénoncer une prétendue emprise nocive et une instrumentalisation par Mme X. de ses enfants, mis en scène dans ses vidéos publiées sur Youtube.

En particulier, un compte utilisateur était associé à ce hashtag et postait des « tweets » incitant notamment à la diffusion massive de ces messages.

Ainsi, Mme X a :

  • D’une part, porté plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier auprès du doyen des juges d’instruction; et
  • D’autre part, saisi le Tribunal judiciaire d’une demande communication, par Twitter, des données d’identification de l’auteur de tweets que Mme X estime préjudiciables à son égard, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile (CPC) et de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN).

Pour mémoire, l’article 145 du CPC dispose que, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

De plus, la LCEN impose notamment aux hébergeurs de conserver « les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont [ils] sont prestataires ».

A ce titre, le décret n°2011-219 du 25 février 2011 précise la liste des données collectées et la durée de conservation requise, laquelle est d’un an à compter de la résiliation du contrat souscrit lors de la création d’un compte ou de la fermeture de celui-ci pour ce qui concerne les données fournies lors de la souscription du compte considéré.

En l’espèce, la youtubeuse faisait valoir qu’elle disposait d’un motif légitime puisque certains tweets postés sur la plateforme portent atteinte à son honneur et sa réputation. De plus, elle invoquait un risque de dépérissement de la preuve compte tenu de la brièveté du délai de conservation des données.

En face, Twitter contestait le motif légitime avancé par la youtubeuse et soutenait qu’en cas de recevabilité de la plainte de la demanderesse, l’action en référé serait inutile puisque l’identification du titulaire du compte Twitter relève des prérogatives du juge d’instruction saisi.

Aux termes d’une ordonnance du 25 février 2021, le Tribunal judiciaire a ordonné la communication, par Twitter, des données d’identification du titulaire de l’auteur des propos litigieux.

Tout d’abord, le Tribunal a considéré que Mme X disposait d’un motif légitime à se voir communiquer les données d’identification de l’auteur des messages pour établir la preuve de l’identité de l’auteur des dommages dont elle se dit victime.

Ensuite, le Tribunal a relevé que la mesure était particulièrement utile eu égard au bref délai de conservation des données.

En outre, le Tribunal a estimé que le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation publique « permettant d’empêcher la prescription de l’action publique, n’exclut pas, en soi, la possibilité de solliciter une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure, dès lors que l’intervention du juge d’instruction ne se limite nullement à la recherche de l’auteur des propos litigieux et qu’est établie l’existence d’un motif légitime tenant, notamment, à la durée de conservation des données d’identification ».

Enfin, pour garantir la proportionnalité de la mesure ordonnée, le Tribunal a limité les données devant être communiquées par Twitter aux données qu’il estime utile à la solution du litige potentiel (notamment, l’adresse IP utilisée pour la connexion au service, le nom et prénom ou la raison sociale du titulaire du compte, l’adresse électronique et les pseudonymes utilisés).