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Reproduction de condamnations pénales dans le domaine public, une atteinte à la vie privée ?

16 avril 2021 | Derriennic Associés|

La Cour de cassation a, dans un arrêt du 17 février 2021, estimé que la reproduction de condamnation pénales, pourtant déjà dans le domaine public, pouvait constituer une atteinte à la vie privée.

particulier a découvert fortuitement qu’avaient été publiées, sur une page d’un site internet édité par une particulière, les décisions de condamnation dont il avait fait l’objet dans le cadre de son activité professionnelle, à savoir :

  • exercice illégale de la pharmacie, commercialisation de médicaments sans autorisation de mise sur le marché et infraction à la règlementation de la publicité des médicaments ; et
  • fraude fiscale et omission d’écritures en comptabilité, cette seconde condamnation ayant toutefois été annulée par décision du 11 avril 2019 de la cour de révision et de réexamen des condamnations pénales (ce qui était précisé sur le site).

Figurait également, sur ce même site, un lien hypertexte renvoyant vers l’avis de décès du père de ce particulier.

Soutenant que cette publication portait atteinte à l’intimité de sa vie privée, ce particulier a assignée l’auteur de la page litigeuse, sur le fondement de l’article 9 du Code civil, en indemnisation de son préjudice et suppression de cette page.

Ses demandes sont rejetées en appel, au motif que :

  • les condamnations avaient déjà été rendues publiques et concernaient l’activité professionnelle du particulier ;
  • le particulier ne pouvait alléguer de l’ancienneté des faits et d’un droit à l’oubli, étant donné qu’à la date de leur publication sur le site litigieux, ces condamnations n’avaient pas été amnistiées ;
  • L’auteur de la page internet avait bien mentionné l’annulation de l’une des deux condamnations.

Saisie par le pourvoi du particulier, la Cour de cassation adopte une toute autre position, estimant que le fait que des informations d’ordre privé étaient déjà dans le domaine public ne les soustrayait pas à la protection du droit au respect à la vie privée ; elles ne pouvaient être utilisées d’une manière ou dans une mesure excédant ce à quoi l’intéressé pouvait raisonnablement s’attendre.

Le fait que l’avis de décès avait été publié par la famille sur un site internet nécrologique accessible à tous n’autorisait pas l’auteur du site à le publier.

La Cour d’appel aurait dû mettre en balance le respect dû à a vie privée et le droit à la liberté d’expression, en prenant en compte :

  • la contribution de la publication à un débat d’intérêt général ;
  • la notoriété de la personne visée ;
  • l’objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée ;
  • le contenu, la forme et les répercussions de la publication ;
  • les circonstances de la prise des photographies le cas échéant.

La Cour de cassation casse donc l’arrêt d’appel.

Lien vers la décision : Ici