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Les dysfonctionnements du logiciel ne suffisent pas à prononcer la nullité du contrat

04 avril 2024 | Derriennic Associés|

Dans un arrêt du 17 janvier 2024 (n°22/02668)la Cour d’appel de Nancy rappelle qu’en l’absence de démonstration probante des dysfonctionnements du logiciel, ces derniers sont constitutifs, ni d’une erreur sur les qualités essentielles de la prestation, cause de nullité du contrat (i), ni d’une inexécution suffisamment grave du prestataire justifiant la résolution du contrat (ii).

L’appelante ne rapporte pas la preuve que les dysfonctionnements du logiciel constituent une erreur sur les qualités essentielles de la prestation, cause de nullité du contrat

La société cliente (appelante) exploite une officine pharmaceutique. Elle a conclu en août 2017, cinq contrats destinés à l’acquisition de logiciels et matériels informatiques avec un prestataire spécialisé dans la gestion d’officines pharmaceutiques. L’hébergement de ces logiciels est effectué par un prestataire tiers, pour le compte de la société cliente. 

Le 8 février 2018, la société cliente notifie au prestataire sa décision de résilier les cinq contrats. Elle réclame le montant des sommes perçues en exécution des contrats qu’elle prétend nuls en raison des dysfonctionnements des logiciels, et 75 000 euros à titre d’indemnité forfaitaire du préjudice subi.

Le Tribunal de commerce de Nancy, dans une décision du 17 octobre 2022, déboute la demanderesse de l’ensemble de ses demandes considérant que cette dernière est mal fondée.

La société cliente (appelante) soutient alors que le logiciel qui lui avait été vendu présentait des dysfonctionnements qui rendaient son usage impropre. Au sens de l’article 1132 du Code civil, elle prétendait alors que son consentement avait été vicié puisqu’elle avait été induite en erreur sur les qualités essentielles attendues du logiciel vendu, ainsi que sur celles des supports informatiques l’accompagnant.

Pour rappel, l’article 1132 du Code civil dispose que « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celle du cocontractant ».

L’appelante sollicite la nullité de l’ensemble des contrats destinés à l’acquisition de logiciels et matériels informatiques. Considérant que les contrats d’hébergement des logiciels étaient interdépendants des contrats dont elle invoquait la nullité, elle sollicite alors également la caducité des contrats d’hébergement sur le fondement de l’article 1186 du Code civil.

Pour démontrer l’erreur constitutive d’un vice de consentement, l’appelante produit plusieurs attestations de salariés. Ces témoignages font état d’une « utilisation difficile et compliquée du logiciel vendu », d’un « manque de réactivité » ainsi que des « dysfonctionnements ponctuels » du logiciel.

Sur le fondement de l’article 1132 du Code civil, les magistrats de la Cour d’appel de Nancy soulignent que les seules attestations de salariés ne permettent pas d’affirmer que les matériels et logiciels vendus par l’intimé ne présentent pas les qualités essentielles attendues par la société cliente, les rendant ainsi impropres à l’usage auxquels ils sont destinés.

La Cour d’appel confirme alors le jugement de première instance, en ce qu’il a débouté la société cliente de sa demande de nullité des contrats conclus avec le prestataire pour l’acquisition de logiciels informatiques, et de sa demande de caducité des contrats d’hébergement.

L’appelante ne rapporte pas la preuve d’une inexécution suffisamment grave du prestataire justifiant la résolution du contrat

L’appelante soutenait que le prestataire avait manqué à ses obligations contractuelles en se montrant dans l’incapacité de délivrer un logiciel répondant aux performances attendues et ses besoins.

La Cour d’appel considère que l’appelante ne rapporte pas la preuve de ses prétentions. Elle ajoute alors que les dysfonctionnements du logiciel relevés par les salariés dans le cadre de leurs attestations ne constituent pas un manquement grave, permettant la résolution des contrats.

La Cour ajoute, au regard de l’article 1226 du Code civil impliquant la nécessité de mettre en demeure le débiteur défaillant avant la notification de la résolution, que rien ne permet d’affirmer que l’appelante avait préalablement mis en demeure le prestataire de remédier aux désordres allégués, avant de lui notifier la résolution.

La Cour d’appel de Nancy confirme alors le jugement de première instance, en toutes ses dispositions.

Source : CA Nancy, 17 janvier 2024, n°22/02669