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MESURES COVID 19 – L’activité partielle en questions : une fois le dossier constitué, la situation du salarié reste à encadrer !

03 avril 2020 | Derriennic Associés|

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Dans le précédent focus, l’angle de réflexion portait sur les questions entourant la mise au chômage partiel et la constitution du dossier.

Une fois celui-ci constitué, de nombreux points de vigilance demeurent, notamment sur le statut du salarié en activité partielle.

Le cabinet en propose aujourd’hui un éclairage.

  • Quelle est la situation du salarié durant l’activité partielle ?

Le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu. Leur contrat de travail n’est pas rompu.

Cette situation s’impose aux salariés, y compris aux salariés protégés, lesquels ne peuvent refuser.

Les jours chômés du fait de l’activité partielle ne peuvent donc pas donner lieu à (télé)travail.

Les autres jours, non couverts par le chômage partiel, sont travaillés « normalement », sous réserve des règles de confinement et de sécurité dictées par le Gouvernement.

Sauf clause d’exclusivité et sous réserve de l’obligation de loyauté, un salarié placé en activité partielle pourrait parfaitement travailler pour un autre employeur durant ses jours chômés.

Afin que les salariés ne soient pas lésés du fait de placement en activité partielle, la loi prévoit que la totalité des heures chômées au titre de l’activité partielle, qu’elles soient indemnisées ou non, est prise en compte pour le calcul de l’acquisition des droits à congés payés.

Elle est également prise en compte pour la répartition de la participation et de l’intéressement lorsque cette répartition est proportionnelle à la durée de présencedu salarié.

Les périodes d’activité partielle sont enfin assimilées à des périodes de travail pour la détermination des droits aux différentes prestations de sécurité sociale et à une retraite complémentaire.

A l’issue du mois, le salarié reçoit un bulletin de paie qui devra mentionner notamment :

  • le nombre d’heures chômées indemnisées au titre de l’activité partielle,
  • le taux appliqué pour le calcul de l’indemnité,
  • le montant de l’indemnité correspondante versée au salarié.

Notons enfin que la période d’activité partielle ne suspend pas le mandat des représentants du personnel qui peuvent par conséquent prendre des heures de délégation.

Ajoutons que l’ordonnance du 1eravril 2020 vient proroger durant l’état d’urgence sanitaire les mandats des élus.

  • Que dois-je verser au salarié ? Quel serait le taux horaire d’un salarié à 39 heures ?

A l’échéance habituelle de la paie, l’entreprise doit verser, au minimum, 70% de sa rémunération antérieure brute horaire (telle qu’utilisée pour calculer l’indemnité de congés payés) au salarié, soit environ 84 % du salaire net.

Ce montant est ensuite multiplié par le nombre d’heures chômées dans la limite de 35 heures par semaine, sauf si le contrat de travail prévoit un volume inférieur. Ne sont donc pas indemnisées les heures supplémentaires.


Exemple

Sur une période de référence de 3 mois, pour un salarié dont l’horaire contractuel est de 39 heures par semaine soit 169 heures par mois :

– Décembre 2019 : 169h –rémunération brute de 2 526€

– Janvier 2020 : 169h –rémunération brute de 2 600€

– Février 2020 : 170h –rémunération brute de 2700€

Le taux horaire sera calculé en additionnant les éléments de rémunération brute à prendre en compte et en les divisant par 455,01 (151,67 X 3), car les durées doivent être plafonnées à la durée légale du travail (35 heures).

Dans cet exemple, le taux horaire du salarié sera donc de (2526+2600+2700)/(455,01) soit 17,20 €.

L’indemnité brute d’activité partielle que l’employeur devra verser au salarié sera donc de 70% de 17,20€, soit 12,04€/heure.

Il y a lieu ensuite d’appliquer ce taux à chaque heure chômée, dans la limite de la durée légale.

Le salarié se trouve en activité partielle durant 160H en mars 2020. Il a donc travaillé 9H (pour rappel, sa durée contractuelle est de 39 heures hebdomadaires).

Pour déterminer le nombre d’heures à indemniser, on doit plafonner la durée du travail réalisable dans le mois à la durée légale, soit 151,67H/mois, selon la méthode de calcul suivante : (durée légale du travail –nombre d’heures travaillées dans le mois)

Le nombre d’heures à indemniser sera donc de (151,67 –9) = 142,67 H

Dans ces conditions, l’indemnité d’activité partielle versée au mois de mars 2020 sera de 142,67 X 12,04€, soit 1 717,74€ bruts.

La base de rémunération que l’entreprise doit retenir est celle servant d’assiette de calcul à l’indemnité de congés payés suivant la règle du maintien de salaire.

Cette règle sibylline suppose un examen concret de l’objet de chaque prime ou accessoire de salaire versé au salarié. Afin de déterminer ainsi le salaire de référence, l’entreprise devra se poser la question des divers avantages en nature, primes variables ou fixes et compléments de salaire qu’elle a habitude de verser à ses salariés. A titre d’exemple, comment traiter un acompte sur le 13èmemois versé au cours de la période d’activité partielle ? Pour éviter tout risque de confusion, le cabinet se tient aux côtés des entreprises afin d’examiner au cas par cas chaque élément de salaire.

Rien n’interdit l’employeur d’indemniser ses salariés au-delà de 70 % du salaire brut, si ce n’est que l’Etat ne le remboursera pas ce supplément. Une telle majoration est parfois prévue par les conventions collectives, comme Syntec. Il faut donc rester vigilant quant aux dispositions prévues par la convention collective.

Là aussi de nouvelles questions se posent à vous : pouvez-vous traiter différemment les salariés en forfaits jours et les salariés en régime horaire, pour ces majorations conventionnelles ?


  • De quel montant serai-je remboursé par l’Etat ?

Au terme de chaque mois, l’employeur peut adresser, en ligne, une demande d’indemnisation à l’Agence de service et de paiement (ASP).

L’employeur doit alors fournir des états nominatifs précisant notamment le nombre d’heures chômées et le nombre d’heures travaillées par le salarié ou assimilées (congés payés, arrêts maladie, etc.).

La demande d’allocation doit être effectuée, sous peine de prescription, dans le délai d’un an suivant le terme de la période couverte par l’autorisation de recours à l’activité partielle.

Après vérification, l’allocation est liquidée dans un délaimoyen de 12 jours.

Pour rappel, pour une rémunération horaire brute inférieure ou égale à 45,67 euros (4,5 SMIC), l’Etat et l’Unédic versent à l’employeur une allocation équivalente à 70% de ce montant.

Ce montant est multiplié par le nombre d’heures chômées dans la limite de 35 heures par semaine, sauf si le contrat de travail prévoit un volume inférieur.

Enfin et pour rappel, l’autorisation d’activité partielle a été portée de 6 à 12 mois maximum par décret du 25 mars dernier, sauf que le contingent d’heures indemnisables restait limité à 1.000 heures par an par salarié. La modification a été apportée depuis, par arrêté du 2 avril 2020, lequel porte désormais à 1.607 heures, soit 35 heures sur l’année, le contingent d’heures indemnisables.

  • Quel est le traitement social et fiscal de l’indemnité ?

L’indemnité d’activité partielle versée aux salariés est exonérée de cotisations de sécurité sociale et des prélèvements alignés (notamment, cotisations chômage et AGS, de retraite complémentaire Agirc-Arrco), sauf pour les salariés domiciliés fiscalement hors de France et pour les salariés relevant du régime local d’Alsace-Mosellepercevant un montant supérieur au Smic.

L’URSSAF a confirmé que ce régime de faveur s’applique également au complément d’indemnité versé par l’employeur, en application d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale.

En revanche, l’indemnité d’activité partielle ainsi que le complément conventionnel éventuel, restent soumis à la CSG (au taux de 6,2%) et à la CRDS (au taux de 0,5%).

Attention, dans un communiqué publié lundi 30 mars 2020, les institutions de prévoyance, les mutuelles et les sociétés d’assurance ont pris position au sujet de l’assujettissement de l’indemnité d’activité partielle aux cotisations des régimes de protection sociale. Elles indiquent que « sauf indication contraire de l’organisme, les assiettes habituelles servant au calcul des cotisations de la prévoyance, de la complémentaire santé et de la retraite supplémentaire doivent inclure les « indemnités versées au titre de l’activité partielle » tout comme les « allocations complémentaires d’activité partielle ».

Fiscalement, l’indemnité d’activité partielle reste assujettie à l’impôt sur le revenu.

  • Comment gérer les interférences avec d’autres cas de suspension de contrat?

Le dispositif d’activité partielle n’est pas conditionné à la prise au préalable de congés payés ou à l’épuisement d’autres droits.

En revanche, l’activité partielle doit concerner des salariés en activité(certes réduite ou arrêtée du fait du Covid-19). Cela suppose donc que les intéressés ne soient pas :

  • en congés payés,
  • en RTT,
  • en arrêt maladie,
  • en grève,
  • mis à pied,
  • sans activité (exemple : en inter-contrat ou inter-mission).

La question devra également se poser pour les jours fériés, selon qu’ils sont habituellement chômés ou non et selon qu’ils tombent ou non durant la période d’activité partielle. Ces jours fériés sont-ils d’ailleurs tous traités de la même manière en paie ?

En effet, il ne peut pas y avoir d’activité partielle quand le contrat de travail de l’intéressé est déjà suspendu, pour quelque cause que ce soit.

Il convient donc de s’interroger en amont sur la manière d’articuler la mise en place de vos accords sur l’imposition des jours de congés/RTT et la mise en place du dispositif d’activité partielle. Cette question sera également importante dans la présentation de votre dossier et dans vos demandes vers l’ASP.

S’agissant de l’arrêt maladie, si un salarié tombe maladeau cours d’une période d’activité partielle, il ne peut prétendre au cumul des IJSS et des indemnités d’activité partielle. Il ne peut bénéficier que du versement des premières (Circ. DGEFP du 12 juil. 2013). Les règles de maintien de salaire s’appliquent mais elles ne peuvent pas permettre au salarié malade de percevoir plus que l’indemnité d’activité partielle qu’il aurait perçue (Cass. soc. 2 juil. 1987, n°83-43626). L’entreprise doit, ici encore, rester vigilante, qu’il s’agisse d’ailleurs d’arrêt maladie intervenant au cours de la période d’activité partielle ou d’arrêt maladie ayant débuté avant celle-ci, ou encore de congé de maternité ou de paternité.

S’agissant des congés payés, le salarié en congés pendant la période d’activité partielle ne bénéficie pas du dispositif mais demeure en congé. A l’image de ce qui se passe pour les salariés en arrêt maladie, la question se pose du plafonnement de l’indemnité de congés payés alors perçue. Là encore, les entreprises devront être assistées afin d’éviter tout risque de contentieux mais encore d’illégalité vis-à-vis de la Direccte.

S’agissant des salariés en inter-contrat ou en inter-mission, ceux-ci se trouvent, de fait, sans activité. Il serait donc pour le moins incohérent que de faire prendre en charge l’inactivité de ceux-ci par une allocation étatique. C’est pourquoi l’article 2.4 de l’Accord du 16 octobre 2013 relatif à l’activité partielle des salariés dans la branche Syntec énonce que « il n’est pas possible d’inclure dans la demande d’indemnisation de l’activité partielle les salariés dits en attente de mission, inter-contrat ou inter-chantier, sauf fermeture totale de l’entreprise ». Une exception est toutefois envisagée pour les salariés en inter-contrat depuis moins de 30 jours. Cette disposition ne lie pas la Direccte qui sera, in fine¸ seule juge de la régularité du recours au chômage partiel concernant ce type de population de salariés. Pour notre part nous préconisons de ne pas inclure dans le dispositif d’activité partielle les salariés qui se trouvaient déjà sans activité avant le confinement.

Les Dirrectes ne manqueront pas d’être vigilantes concernant ce sujet qui doit être traité, en toute transparence, dans les demandes d’indemnisation. Là aussi, la situation du salarié, lors du contrôle, devra contenir les éléments pertinents excluant tout doute.

  • En conclusion

Le dispositif d’activité partielle, une fois mis en place, suppose un examen attentif de la situation de chaque salarié. S’agissant de la détermination de son salaire de référence, l’examen attentif de chaque élément de salaire ne devra pas être négligé. S’agissant également de la survenue d’une absence (congé, maladie ou autre), la situation ne devra pas coïncider avec l’activité partielle. Autant de questions pour lesquelles le cabinet se tient à vos côtés.