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Focus : L’imprévision en période de COVID-19

07 avril 2020 | Derriennic Associés|

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L’imprévision est un mécanisme de révision des contrats. A la différence de la force majeure, l’imprévision s’applique, non pas lorsque le contrat est inexécutable, mais lorsque l’exécution de celui-ci devient « excessivement onéreuse ».

Vérifier les clauses contractuelles et la date du contrat.

La pratique a développé des clauses d’imprévision ou de « hardship » pour adapter le contrat en cas de changement de circonstances imprévisibles altérant l’équilibre économique des prestations. Le premier réflexe doit donc être de vérifier si le contrat comporte une telle clause, qu’il s‘agira alors d’appliquer.

En l’absence de clause d’imprévision, pour les contrats conclus à compter du 1eroctobre 2016, il est possible de se référer à l’article 1195 du Code civil.

L’article 1195 du Code civil

L’imprévisionpeut être invoquée lorsqu’une partie établit que les conditions définies à l’article 1995 du Code civil sont réunies :

a. Un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat,

b. rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie,

c. qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque.

La charge de la preuve

La partie qui invoque l’imprévision doit pouvoir justifier concrètement se trouver dans cette situation.

Un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat

L’imprévisibilité s’apprécie à la date de conclusion du contrat. Il est désormais pour le moins acquis que l’épidémie de Covid19 et le confinement mis en place pour l’endiguer sont imprévisibles pour les contrats conclus avant 2020.

L’imprévisibilité est de moins en moins acquise à mesure que l’année 2020 se déroule. Si le virus a été découvert par l’OMS le 9 janvier puis déclaré urgence de santé publique de portée international le 30 janvier, les premières mesures de restrictions administratives ont été prises les 9 et 13 mars pour l’interdiction des rassemblements de 2.000 puis 150 personnes et le 17 mars pour le confinement.

Les parties n’ont pas accepté d’en assumer le risque

Les parties peuvent avoir prévu et accepté le risque dans le contrat, soit du changement de circonstances en tant que tel, soit de ces conséquences, comme par exemple une diminution du chiffre d’affaires

Par exemple, les parties ont pu prévoir, en cas de variation du chiffre d’affaires, une clause de variabilité du prix et le cas échéant un prix plancher ou prix plafond.

Une exécution excessivement onéreuse

Il faut faire la démonstration, difficile, par la partie lésée d’une altération fondamentale de l’équilibre des prestations[1].

Ce peut être le renchérissement d’une obligation de faire devenue excessivement onéreuse.

Par exemple, le renchérissement du coût des composants tiers en raison de tensions sur les approvisionnements internationaux ; hausse significative des coûts de main-d’œuvre liée aux contraintes sanitaires.

S’agissant d’une obligation de paiement, la notion d’onérosité excessive devrait pouvoir inclure la diminution de valeur de la contre-prestation[2]

Exemple, une diminution significative de la valeur de la marchandise reçue à la suite de difficultés pour commercialiser la production. 

La diminution de valeur de la contre-prestation devrait à notre sens s’apprécier au regard de critères objectifs, tel le prix de marché d’une marchandise ou prestation, et non sur la base de l’utilité que la partie en retire, qui relève de l’ancien concept de cause subjective du contrat.

Exemple : une prestation, qui conserve sa valeur intrinsèque, devient sans utilité du fait d’une diminution de l’activité… à moins que cette baisse d’activité n’impact la valeur de marché de la prestation).

Il est par ailleurs peu probable que la jurisprudence apprécie la notion d’onérosité excessive au regard d’une fragilisation de la situation du débiteur, telle que des difficultés de trésorerie. D’autres mécanismes, tels la demande de délais de paiement ou le droit des entreprises en difficulté, ont alors vocation à s’appliquer.

Le contrat peut prévoir un autre mécanisme de maintien de l’équilibre financier, telle qu’une clause de prix variable, qui rendra plus difficile la démonstration du déséquilibre des prestation.

Un lien entre l’exécution excessivement onéreuse et le changement de circonstances

L’exécution onéreuse doit être en lien avec le changement de circonstances.

Exemple : une partie ne serait pas fondée à invoquer l’imprévision pour renégocier une obligation de paiement correspondant à des prestations fournies avant le changement de circonstances.

Un mécanisme de renégociation du contrat

L’imprévision est un mécanisme de renégociation du contrat, avec in fine en cas d’accord, la signature d’un avenant.

Attention ! La partie qui invoque la théorie de l’imprévision doit continuer à exécuter ses obligations durant la période de renégociation.

Une possible révision ou résolution judiciaire

Faute d’accord dans un délai raisonnable, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat ou saisir le juge pour demander la révision ou résiliation du contrat.

 

 


[1]    Droit civil, Les obligations, F. TERRE, 2019

[2]Répertoire de droit civil Dalloz, Imprévision – Droit positif français après la réforme – Pascal ANCEL – Mai 2017 (actualisation : Mai 2018)