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Pas de mesures de blocage d’un nom de domaine à l’initiative de l’opérateur

21 mars 2017 | Derriennic Associés|

 

Tribunal de commerce de Paris, ordonnance de référé du 15 février 2017

Dans cette procédure en référés, la société ITEMA demandait à l’opérateur FREE le déblocage de ses noms de serveurs DNS ainsi que de ses serveurs d’adresses IP, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard. Elle demandait également le paiement d’une provision de 20 800 € correspondant à la perte avérée, à ce jour, de 3 mois de chiffre d’affaires.

  • Selon FREE, ITEMA se livre à une activité généralisée d’envoi de SPAM, justifiant les mesures de blocage. Pour le prouver, FREE produit notamment :
  • Une analyse faite par l’association SIGNAL SPAM, prétendument mandatée par les pouvoirs publics pour des missions de lutte contre les SPAMS et qui avance avoir reçu un nombre très important de plaintes au sujet d’ITEMA ;
  • Un rapport d’un ingénieur se présentant comme expert en la matière, concluant « qu’il n’y a aucun doute sur le caractère illicite de l’activité d’ITEMA pour son activité de publiposteur électronique »
  • Une attestation de la société VADESECURE, prestataire privé spécialisé dans la protection des boites mail, ayant classé ITEMA en « mauvaise réputation » ;
  • des plaintes qui auraient été recueillies par le site internet SIGNAL-ARNAQUES, à propos d’ITEMA ;

FREE déclare qu’au mépris de la réglementation, ITEMA ne respecte pas le principe de « l’opt-in et opt-out » qui devrait être offert aux personnes dont elle a récupéré les adresses pour la réception des courriers publicitaires ;

Elle rappelle que l’article L.34-5 du code des postes et télécommunications électroniques dispose « qu’est interdite la prospection directe, au moyen d’un automate d’appel, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique, utilisant sous quelque forme que ce soit les coordonnées d’une personne physique qui n’a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen »,

FREE dit également avoir l’obligation légale de protéger son réseau, et n’a aucune raison d’accepter que ses serveurs soient pollués par les SPAM d’ITEMA. Elle rappelle que l’article D.98-4 du code des postes et télécommunications électroniques dispose que l’opérateur doit « prendre les dispositions nécessaires pour assurer de manière permanente et continue l’exploitation du réseau et des services de communications électroniques, et qu’il doit mettre en œuvre les protections et redondances nécessaires pour garantir une qualité et une disponibilité de service satisfaisantes ».

  • ITEMA conteste et déclare que son activité ne répond aucunement à la définition de SPAM donnée par la CNIL,

La constitution des bases de données se faisant essentiellement au moyen de la procédure de l’opt-in, par laquelle l’autorisation préalable de l’internaute est sollicitée pour recevoir les messages électroniques ; elle affirme que l’emailing publicitaire de type opt-in est tout à fait licite et régulier.

ITEMA estime totalement illégale la « sanction » appliquée par FREE à l’encontre d’ITEMA. Elle rappelle qu’au titre de l’article D 98-5 du code des postes et télécommunications, « l’opérateur prend les mesures nécessaires pour garantir la neutralité de ses services » et doit assurer « ses services sans discrimination quelle que soit la nature des messages transmis »

  • Le juge des référés constate qu’il y a une contestation sérieuse entre les parties sur le caractère de SPAM ou non des messages envoyés par ITEMA, nécessitant une appréciation au fond qui ne saurait ressortir de sa compétence.

Il constate que l’article L.34-5 du CPCE interdit bien la prospection directe de personnes physiques sans leur consentement préalable, mais que d’après le même article, c’est à la CNIL de veiller au respect de ces dispositions.

En outre, contrairement à ce que prétend FREE, l’association SIGNAL SPAM n’est pas mandatée par les pouvoirs publics pour lutter contre les SPAM.  C’est d’ailleurs le cas de toutes les associations ou organismes cités tant par FREE que par ITEMA.

En conséquence, l’opérateur de télécommunications électronique FREE, n’est pas chargé de veiller au respect de l’article L 34-5 CPCE, et qu’il se doit de garantir la neutralité de ses services et le secret des correspondances.

Cette ordonnance est à rapprocher d’un arrêt de la Cour d’appel du 10 mars 2017 confirmant une ordonnance de 2016 ayant statuant dans le même sens.

« le premier juge a très justement indiqué que la société Free n’était nullement chargée de veiller au respect de ces dispositions qui relèvent du ressort de la Commission nationale informatique et libertés et des juridictions compétentes et qu’en l’absence d’injonction ou demande de l’autorité administrative habilitée ou judiciaire la mesure de blocage constituait un trouble manifestement illicite. »