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Pour la Haute juridiction, le préjudice d’un acte de concurrence déloyale peut être apprécié à l’aune de l’économie réalisée par l’auteur desdits actes

22 avril 2020 | Derriennic Associés|

Cour de cassation, Chambre Commerciale, 12 février 2020, pourvoi n° Q17/31.614, Cristal de Paris / Cristallerie de Montbronn 

Il s’agit d’un arrêt de principe de la Chambre Commerciale de la Cour de cassation, portant sur l’appréciation de l’indemnisation du préjudice subi par la victime d’actes de concurrence déloyale.

L’affaire oppose deux sociétés mosellanes, la société Cristallerie de Montbronn, spécialisée dans la création et la fabrication artisanale de produits d’art de la table en cristal, à la société Cristal de Paris, également spécialisée dans la commercialisation de produits en cristal, fabriqués, taillés et polis, quant à eux, en Chine et en Europe, mais également de produits en verre, cristallin et luxion.

Considérant que Cristal de Paris entretient une confusion malhonnête sur les matériaux des produits qu’elle commercialise, en laissant croire que l’ensemble serait en cristal, en prétendant qu’ils sont « made in France» et en se présentant comme un « haut lieu du verre taillé en Lorraine » et un « spécialiste de la taille», la Cristallerie de Montbronn l’assigne en concurrence déloyale et indemnisation de son préjudice.

Condamnée par la Cour d’appel de Paris à verser à la Cristallerie de Montbronn la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice résultant de ces pratiques commerciales trompeuses et déloyales, Cristal de Paris se pourvoit en cassation et reproche à la Cour d’appel d’avoir fixé le montant de la réparation du préjudice à l’aune de l’économie réalisée par Cristal de Paris, et non du préjudice réellement subi par la victime, violant ainsi les dispositions de l’ancien article 1382 du Code civil, devenu l’article 1240 du même Code.

Cet argument vole en éclat devant la Haute juridiction, qui vient rappeler les principes de la réparation du préjudice résultant d’actes de concurrence déloyale.

La Cour rappelle ainsi que :

  • le propre de la responsabilité civile est de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le dommage n’avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle ;
  • en matière de responsabilité pour concurrence déloyale, il s’infère nécessairement un préjudice, ne serait-ce que moral, d’un acte de concurrence déloyale.

L’arrêt différencie ainsi les pratiques tendant à détourner ou s’approprier la clientèle ou à désorganiser l’entreprise du concurrent, lesquelles induisent des conséquences économiques négatives pour la victime (telles que le manque à gagner, la perte subie, et la perte de chance), des pratiques consistant à parasiter les efforts et les investissements intellectuels, matériels ou promotionnels d’un concurrent ou à s’affranchir d’une règlementation, afin de s’épargner une dépense en principe obligatoire, dont les conséquences économiques sont difficiles à quantifier.

La Cour pose ainsi pour principe que « lorsque tel est le cas, il y a lieu d’admettre que la réparation du préjudice peut être évaluée en prenant en considération l’avantage indu que s’est octroyé l’auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d’affaires respectifs des parties affectés par ces actes».

En l’espère, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir retenu « qu’en trompant le consommateur sur la composition, l’origine et les qualités substantielles des produits vendus, la société Cristal de Paris s’est assurée un avantage concurrentiel au préjudice de la société Cristallerie de Montbronn ».

Le pourvoi de Cristal de Paris est donc rejeté.