La Cour de cassation rappelle que la société chapeautant un réseau de distribution peut se voir imputer la faute tirée de la rupture brutale, par les membres du réseau, des relations commerciales établies avec un fournisseur, lorsque ces sociétés ne disposent d’aucune autonomie décisionnelle dans leurs relations commerciales avec ledit partenaire.
Alors que les 43 magasins d’un réseau de supermarchés ont cessé de s’approvisionner en fruits et légumes auprès du fournisseur référencé au sein du groupe, celui-ci sollicite alors directement auprès de la société tête de réseau la réparation de son préjudice pour rupture brutale de leurs relations commerciales établies (application de l’article L 442-1, II du Code de commerce).
La Cour d’appel de Paris rejette sa demande, en retenant notamment que :
- un groupe de sociétés, qui est dépourvu de la personnalité morale et ne peut s’engager par contrat, ne peut constituer un partenaire commercial au sens de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et être tenu responsable de la rupture des relations commerciales entre ses membres et un tiers ;
- les 43 magasins étaient exploités, au moment de la rupture, par 36 sociétés différentes pourvues de personnalités juridiques autonomes et distinctes de la société tête de réseau, personnellement responsables de toute rupture brutale de relations commerciales établies commise au préjudice du fournisseur, et ce d’autant plus que les factures produites étaient émises à l’adresse des multiples établissements sous enseigne et non à la société tête de réseau.
Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation, qui juge que :
- la circonstance que les sociétés membres du réseau avaient une personnalité juridique distincte de celle de la société tête de réseau n’excluait pas que celle-ci doive répondre d’une rupture des relations commerciales qu’elle leur aurait, de fait, imposée.
- la Cour d’appel aurait dû rechercher si ces sociétés disposaient, quel que soit leur statut, d’une autonomie de décision quant au choix de leurs fournisseurs et, le cas échéant, la poursuite de leur relation commerciale avec ceux-ci.
L’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Paris autrement composée.
Toutefois, comment le fournisseur prouvera-t-il l’absence d’autonomie réelle de décision des membres du réseau ?
Doit-on considérer que le référencement d’un fournisseur au sein d’un réseau de distribution, au niveau de la société tête de réseau ou d’une centrale d’achat, fait présumer l’absence d’autonomie décisionnelle des membres ?
L’enjeu est de taille puisque, en établissant la responsabilité de la société tête de réseau, le fournisseur pourra établir un courant d’affaires unique avec le groupe et bénéficier de l’ancienneté de la relation commerciale la plus ancienne pour calculer le préavis qui devait être respecté et mesurer la brutalité de la rupture…
Dans l’attente de la décision de la Cour d’appel de Paris, la prudence est de mise et une attention particulière devra être portée aux conditions dans lesquelles les fournisseurs sont déréférencés.
Lien vers la décision ici.