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Covid-19 : le droit commun s’applique et impose le paiement des loyers commerciaux

23 septembre 2022 | Derriennic Associés|

Par trois arrêts du 30 juin 2022, accompagnés d’un communiqué explicatif, la Cour de cassation tranche en faveur des bailleurs et affirme que l’état d’urgence sanitaire ne permet pas de caractériser la perte de la chose louée, l’inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance des locaux loués ou encore une situation de force majeure, et, in fine, ne justifiait pas le non-paiement des loyers commerciaux.

La trentaine de pourvois dont a été saisi la Haute Juridiction concernait la même situation : du fait des mesures de fermeture administrative prises par le Gouvernement afin de lutter contre la pandémie de Covid-19, un locataire commercial a suspendu le paiement des loyers en faisant valoir que ces mesures l’avaient empêché d’exploiter les locaux loués, conduisant le bailleur à saisir la justice pour obtenir le paiement des loyers.

Trois de ces pourvois ont été traités en priorité par la Cour de cassation afin de répondre à trois questions de principe.

Premièrement, les mesures de fermeture administrative ne peuvent être assimilées à une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du Code civil. Elles ne peuvent donc pas fonder une demande de réduction du loyer.

En effet, l’interdiction de recevoir du public en résultant était générale et temporaire et avait pour seul objectif de préserver la santé publique et la Nation, de sorte qu’elle était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat de bail et qu’elle ne pouvait justifier une réduction du loyer.

Ce faisant, la Cour de cassation referme la brèche ouverte par la Cour d’appel de Paris un mois plus tôt, jugeant que les mesures de fermeture administrative caractérisaient une perte partielle de la chose louée, définie comme une perte juridique résultant d’une décision administrative, justifiant pour le preneur l’interruption du paiement des loyers afférents à l’occupation durant les périodes de fermeture administrative (cf. Cour d’appel de Paris, Pôle 1, Chambre 2, 2 juin 2022, R.G. nº 21/19284 et n° 21/19440)

Deuxièmement, les mesures de fermeture administratives n’ont pas conduit le bailleur à une inexécution de son obligation de délivrance des locaux loués et ne peuvent justifier l’inexécution par le preneur, par exception, de son obligation de payer les loyers.

Les bailleurs ayant continué, durant les périodes de fermeture administrative, de mettre les locaux loués à disposition du preneur, l’impossibilité pour le preneur d’exploiter les locaux du fait desdites mesures, imputables uniquement à l’Etat, ne peut être constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance. Le locataire ne pouvait ainsi exciper de l’exception d’inexécution pour refuser le paiement des loyers.

Ce faisant, la Cour de cassation valide le raisonnement adopté un mois un plus tôt par la Cour d’appel de Paris (cf. Cour d’appel de Paris, Pôle 1, Chambre 2, 2 juin 2022, R.G. nº 21/19284 et n°21/19440)

Troisièmement, l’état d’urgence sanitaire ne caractérise pas un cas de force majeure rendant impossible, pour le preneur, l’exécution de son obligation de payer les loyers.

Approuvant les juges du fond, la Cour de cassation rappelle ainsi que la force majeure ne permet pas, en principe, au débiteur de s’exonérer de son obligation de paiement d’une somme d’argent, sauf à démontrer que, au cas d’espèce, la situation de force majeure a rendu effectivement impossible tout paiement.

Or, dans bien des situations, à l’instar de celle dont a été saisie la Cour d’appel de Paris un mois plus tôt (cf. Cour d’appel de Paris, Pôle 1, Chambre 2, 2 juin 2022, R.G. nº 21/19284 et n°21/19440), le preneur ne rapportait pas la preuve que l’impossibilité d’exploiter les locaux loués l’avait placé dans une situation rendant impossible le paiement des loyers commerciaux.

Les questions soulevées par la pandémie de Covid-19 et l’état d’urgence sanitaire en matière de baux commerciaux ont ainsi trouvé une réponse définitive : le droit commun s’applique durant l’état d’urgence sanitaire et ne fait pas obstacle au paiement des loyers commerciaux afférents aux périodes de fermeture administrative.

Voir ici les liens vers les décisions (n° 21-19.889 / 21-20.127 / 21-20.190) et le communiqué de presse.