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Quelques principes probatoires en matière de création de site internet et de référencement en ligne

09 juin 2021 | Derriennic Associés|

CA Montpellier du 6 avril 2021 RG n° 18/04779

Cet arrêt, rendu par la Cour d’appel de Montpellier, a été l’occasion pour les juges de procéder à un certain nombre de rappels, notamment concernant la preuve de la conformité d’un site internet et des prestations de référencement en ligne.

En l’espèce, un architecte avait fait appel à une société spécialisée dans les services de marketing et d’informatique pour :

  • la création d’un site internet, sur la base d’un cahier des charges qui avait initialement été fourni par ses soins ;
  • un certain nombre de services complémentaires : licence pour l’exploitation du site internet, services « post-création », hébergement, marketing, référencement du site sur les moteurs de recherche.

Pour financer ces services, un contrat de location financière avait été mis en place avec un second prestataire.

Une fois le site internet livré, un procès-verbal de réception avait été régularisé en mars 2016, de sorte que, du moins sur le papier, sa conformité avait été prononcée.

Suite à ce procès-verbal de recette, l’architecte avait invoqué un certain nombre de griefs, portant aussi bien sur la conformité du site que sur la qualité des services de référencement fournis par le prestataire.

En synthèse, l’architecte se plaignait de ce que :

  • le contenu du site internet comprenait de nombreuses fautes d’orthographe ;
  • la navigation sur ledit site impliquait d’importantes lenteurs de chargement ;
  • les résultats en termes de référencement n’étaient pas ceux escomptés.

C’est dans ce contexte qu’il finissait par assigner, dans le courant de l’année 2018, tant le prestataire de services que la société de location financière devant le tribunal de commerce de Montpellier, aux fins d’obtenir la résolution du contrat de licence d’exploitation du site et la caducité, du fait de l’interdépendance des contrats, de la convention de location financière.

Débouté de ses demandes en première instance, l’architecte a été portée cette affaire devant la Cour d’appel de Montpellier, formulant les mêmes demandes, à savoir : la résolution du contrat principal, la caducité du contrat de location financière, le remboursement par le prestataire de services des sommes versées et une condamnation à 5.000 euros de dommages-intérêts.

Au soutien de son appel, il faisait essentiellement valoir que :

  • le site n’était pas conforme à ses exigences puisqu’il comprenait de nombreuses fautes d’orthographes et était impacté par d’importantes lenteurs de chargement ;
  • si un PV de réception avait effectivement été signé, celui-ci ne pouvait être invoqué par l’intimé comme valant renoncement à invoquer des manquements postérieurs ;
  • les difficultés relatives au référencement étaient bien réelles et le prestataire ne rapportait pas la preuve qu’il avait déployé ses meilleurs efforts pour assurer un référencement optimum ;
  • son préjudice financier était bien réel et découlait du fait que les défaillances précitées l’avaient empêché de développer sa clientèle et avaient porté atteinte à son image.

De son côté le prestataire indiquait en substance que :

  • les prestations commandées avaient été correctement réalisées ;
  • Les fautes et les lenteurs invoquées par l’appelant n’étaient ni étayées ni prouvées et qu’en tout état de cause, le client pouvait lui-même les corriger à partir de la plateforme d’administration ;
  • Contrairement à ce que celui-ci indiquait, la signature du procès-verbal de réception-conformité du site par le client valait bien reconnaissance par ce dernier de la conformité du site internet au cahier des charges et à ses besoins ;
  • la prestation de référencement ne constituait qu’une simple obligation de moyens, et non de résultat, puisqu’elle relevait de la seule appréciation des moteurs de recherche concernés ;
  • le site internet bénéficiait d’un positionnement satisfaisant sur les moteurs de recherche, s’agissant d’un domaine très concurrentiel (plus de 240 architectes sur la région de Montpellier).

La société de location financière, concernée de manière plus lointaine par ces problématiques, avait globalement suivi le raisonnement du prestataire.

La cour d’appel de Montpellier, s’inscrivant dans le courant jurisprudentiel selon lequel, à défaut de dispositions contraires, le prestataire en charge du référencement en ligne d’une société, est tenu par une obligation de moyens, a fait droit aux arguments des intimés.

Les juges ont dans un premier temps pris soin de rappeler que, pour obtenir la résolution judiciaire, il appartenait à l’appelant d’établir la preuve des manquements contractuels avant de constater qu’en l’espèce, cela n’avait pas été fait, relevant notamment que :

  • le procès-verbal signé permettait de présumer de la conformité des prestations au cahier des charges et qu’il appartenait donc au client de renverser cette présomption en rapportant la preuve tangibles des manquements qu’il imputait au prestataire ;
  • or, les difficultés soulevés, relatives à des fautes d’orthographes n’étaient pas étayées et les lenteurs invoquées avaient manifestement étaient traitées dans un délai raisonnable par le prestataire à compter du moment où elles lui avaient été notifiées ;
  • en réponse aux explications fournies par l’appelant, l’intimé rapportait de son côté la preuve de la bonne visibilité dont bénéficiait le site du fait du référencement (en 2017, le site internet apparaissait dans les 10 premières pages Google, sur une liste de 4 mots clés et sur un total de 2.5 millions de résultats) ;
  • En tout état de cause, la Cour d’appel relevait que le prestataire n’étant tenu qu’à une obligation de moyens et que, même si les résultats avaient été objectivement décevants (ce qui n’était pas établi en l’espèce), cela n’aurait pas été de nature à engager sa responsabilité.

Enfin, de manière logique, l’arrêt confirme que, dans la mesure où les contrats de licence d’exploitation de site internet et de location financière sont effectivement interdépendants, comme la résolution du premier n’est pas justifiée, le second ne saurait être frappé de caducité.

La Cour d’appel confirmé donc le jugement quant au rejet de l’ensemble des demandes de l’architecte, sauf en ce qui concerne l’interdépendance des contrats.