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Rappel des obligations du client et du prestataire dans le cadre d’un projet d’intégration

23 octobre 2017 | Derriennic Associés|

 

Cour d’appel de Poitiers, 1re chambre, 30 juin 2017, n° 15/04647

Cet arrêt porte sur un litige concernant l’installation défaillante par un prestataire d’un nouveau logiciel (OPUS) dans une pharmacie. Les fautes alléguées du prestataire sont les suivantes :

  • Fautes d’impréparation, de paramétrage et absence de formation et d’information du personnel du client ayant rendu le logiciel impropre à remplir ses fonctions ;
  • Manquement à l’obligation de conseil ;
  • Manquement aux règles de l’art en ne se préoccupant pas suffisamment des conditions nécessaires à la réussite de l’implantation d’un nouveau logiciel et qui procèdent notamment :

D’un défaut d’étude préalable des besoins de sa cliente ; et

  1. De la croyance erronée que le paramétrage du nouveau logiciel était le même que celui de l’ancien et que la structure des données n’avait pas changé, de sorte que le prestataire s’est fautivement dispensé de période d’essai pour réaliser la migration informatique en une nuit.
  2. L’arrêt est intéressant puisqu’il rappelle de manière assez complète les obligations de chacun concernant la définition des besoins dans un projet d’installation :

« Les obligations du prestataire informatique obéissent aux règles de droit commun mais aussi à des obligations particulières induites par la spécificité aux produits informatiques vendus et/ou installés.

L’expression des besoins du client se formalise généralement par la rédaction d’un cahier des charges permettant au prestataire d’exercer son obligation de mise en garde et au client de déterminer les contraintes entourant la mise en place de la solution informatique sollicitée.

S’il incombe au client d’établir un tel cahier des charges, le fait qu’un prestataire accepte de contracter sans l’établissement d’un tel cahier des charges peut engager sa responsabilité en considération du contexte, de la complexité de la solution à mettre en œuvre et du niveau de compétence informatique du client. »

La Cour rappelle qu’il faut également prendre en compte :

  • L’existence manifeste de contraintes lorsque l’implantation est faite sur site exploité ; et
  • L’existence manifeste d’enjeux économiques ou de risques spécifiques en considération de l’activité professionnelle du client.
  • « Le prestataire informatique doit également inclure dans son intervention la réflexion sur l’impact d’un système informatique nouveau sur le fonctionnement global de l’entreprise et conseiller et mettre en garde son client sur les difficultés induites. Ce conseil inclut notamment l’estimation des besoins de formation. »

    « L’obligation de conseil impose au prestataire informatique de s’informer des besoins réels de son client, d’intervenir le cas échéant dans la détermination de ces besoins et de lui livrer des outils adaptés à ces besoins. »

    Or, « l’information due par le prestataire doit être une information circonstanciée et personnalisée » (Cass. Civ 1re, 2 juillet 2014, n° 13-10076) et il appartient au prestataire informatique d’en rapporter la preuve.

    Dans cet arrêt d’espèce, la Cour va condamner le prestataire en relevant notamment :

    • Qu’il n’a pas préparé correctement l’arrivée du nouveau logiciel ;
    • Qu’il n’a pas fait précéder la mise en exploitation par une période d’utilisation double avec le logiciel remplacé ;
    • Qu’il n’a pas récupéré les données existantes sans vérifier leur complète intégrité.

    Le prestataire avait considéré pour acquis que les paramétrages devaient être identiques entre l’ancien logiciel dont il était également fournisseur (via le groupe) et le nouvel applicatif métier.

    Il n’avait donc pas vérifié que le paramétrage des deux logiciels n’était pas le même et tout ceci a contribué à rendre OPUS impropre à son utilisation chez la pharmacie cliente.

    La Cour juge ensuite sévèrement les contestations faites par le prestataire dans un rapport d’expertise non contradictoire de Monsieur BITAN, alors que la mission qui lui a été confiée était très précisément de critiquer le rapport judiciaire, ce qui a été fait en faisant fi des explications effectivement fournies par l’expert désigné de certains tests menés.