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Rapport de mission du CSPLA (Conseil Supérieur de la Propriété Intellectuelle et Artistique) sur les jetons non fongibles (« JNF » en français ou « NFT » en anglais)

25 juillet 2022 | Derriennic associés|

Le 12 juillet 2022 dernier, le Ministère Cuture et de la Communication a présenté les résultats de cette mission commandée le 21 novembre 2021. Son objectif, au terme d’auditions auprès de différents professionnels intéressés par les JNF (associations de gestion de droits, établissements publiques, avocats, AMF, etc.), était de dresser un état des lieux du phénomène des NFT ou JNF ( « Non Fungible Tokens » ou « jetons non fongibles ») dans tous ses aspects juridiques.

Quels sont les apports de cette mission ?

  1. Le NFT, est-il toujours un ovni juridique ? La Mission propose une qualification juridique des « JNF » : Après avoir rappelé les qualifications des travaux parlementaires lors du vote du nouvel article L.320-1 du code de commerce (qui autorise désormais la vente de NFT aux enchères et les qualifie de « certains meubles incorporels ») le rapport de la mission précise qu’un NFT ne s’apparente ni à un jeton, au sens du Code monétaire et financier, ni à une œuvre d’art au sens du Code de la propriété intellectuelle. Il s’agit d’un titre de propriété sur le jeton inscrit dans la blockchain, auquel peuvent être associés d’autres droits sur le fichier numérique vers lequel il pointe, dont l’objet, la nature, et l’étendue varient en fonction de la volonté de son émetteur exprimée par les choix techniques et éventuellement juridiques associés au smart contract. Sous ce titre de propriété d’un bien incorporel, le rapport précise de manière fort intéressante que le NFT pourrait être le support d’une œuvre d’art. L’œuvre d’art matérielle aurait donc deux supports : un support matériel (l’œuvre elle-même) et sa représentation digitale.
  2. Les JNF soulèvent des interrogations et questions juridiques complexes : Le rapport met par ailleurs en exergue des potentiels risques d’atteinte au droit d’auteur, à la titularité des droits, leur mode de gestion et l’application du droit de suite (pourcentage du prix de la vente qui revient à l’auteur en cas de revente d’une œuvre plastique ou graphique par un professionnel du marché de l’art) et son éventuelle automatisation par les smart contracts. Sur ces alertes, à ce stade, le rapport n’apporte pas de précisions juridiques supplémentaires. Nous savons d’expérience qu’effectivement il convient de bien différencier le titre de propriété sur le jeton (en tant que « digital asset ») des droits sous-jacents qu’il vise (droit d’auteur par exemple et comment ils sont concédés ou cédés à l’acheteur).
  3. Aller vers plus de transparence et de pédagogie : Afin d’avancer sur ces sujets encore nouveaux, la Mission recommande et appelle à élaborer et promouvoir, de concert entre toutes les parties prenantes, de bonnes pratiques à l’échelle nationale et européenne, afin d’apporter la sécurité juridique nécessaire au développement d’un secteur d’activité prometteur. La Mission recommande, par exemple, la diffusion aux potentiels acquéreurs d’une documentation pédagogique simplifiée sur les droits d’auteur mobilisés par l’émission, l’achat et la revente des JNF.

Par ailleurs, selon le rapport, si les « JNF » constituent « une opportunité pour le secteur culturel dans son ensemble », leurs usages doivent être mieux « encadrés » dans « un contexte financier spéculatif et incertain susceptible de brouiller les perspectives de développement dans la culture ».

Un « enjeu essentiel » porte sur « la responsabilisation des plateformes numériques sur lesquelles s’échangent les JNF » qui doivent « assurer le respect de la propriété littéraire et artistique ».

La Mission propose qu’elles soient soumises à la directive européenne de 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (responsabilisation des plateformes de partage de contenus en ligne).

Les auteurs pointent aussi du doigt le « caractère énergivore de la blockchain » (la technologie qui sert de base notamment aux cryptomonnaies), les « nombreux risques pour la sécurité des jetons » et le « caractère spéculatif du marché » observé au cours des « 18 derniers mois.