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Saisie-contrefaçon : singularités de la demande de mainlevée – procédure à ne pas mettre entre toutes les mains…

05 octobre 2021 | Derriennic Associés|

Cass, Com., 7 juillet 2021, 20-22.048, Publié au bulletin

La société COURBON est un éditeur de logiciels dont deux salariés ont démissionné avant d’intégrer la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEME IT LOIRE-AUVERGNE (« EIFFAGE »).

Soupçonnant des actes de contrefaçon d’un de ses logiciels, la société COURBON a saisi le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance (devenu le Tribunal Judiciaire) de Lyon afin de voir ordonner une saisie-contrefaçon dans les locaux d’EIFFAGE.

Le 21 mai 2019, le Juges des référés a autorisé la saisie au visa des articles L. 332-1 et L. 332-4 du Code de la Propriété Intellectuelle (« CPI »).

Le 13 juin 2019, la société EIFFAGE a demandé au Juge des Requêtes la mainlevée de la saisie au visa des articles L. 332-1, L. 332-4 et R. 332-2 du CPI ainsi que des articles 493 et suivants du Code de Procédure Civile (« CPC ») relatifs à la rétractation des ordonnances sur requête.

Le Juge des Requêtes a rejeté la demande, rappelant l’inapplicabilité des dispositions générales du CPC relative à la rétractation d’une ordonnance à une demande de mainlevée de saisie en matière de logiciel.

Devant la Cour d’appel de Lyon, la société EIFFAGE a demandé la mainlevée de la saisie. La société COURBON a, quant à elle, demandé la confirmation de la décision de 1ère instance.

A l’égard de la société EIFFAGE, les Juges du second degré ont accueilli la demande de mainlevée de la saisie et ordonné la restitution des éléments saisis.

Toutefois, ils ont rejeté de la demande de nullité de la mesure et de ses effets en rappelant que le contrôle de la validité de la requête n’entre pas dans le champ des attributions du Juge notamment saisi sur le fondement de l’article L. 332-2 CPI.

A l’égard de la société COURBON, la Cour d’appel a retenu que la requête transmise au Juge des Référés était insuffisamment motivée. De fait, la Cour d’appel a estimé que les captures d’écrans fournies à l’appui de la requête sont dépourvues de force probante.

La Cour a ajouté que les éléments révélés par la saisie ne peuvent être pris en compte pour apprécier le bien-fondé initial de la mesure demandée (à noter que la saisie a révélé des éléments capitaux tels que des déclarations des anciens salariés ou encore une synthèse de mots clefs recherchés et trouvés).

La Cour de cassation saisie du litige a apporté une clarification opportune au visa des articles L. 332-2 et L. 332-4 al. 1er du CPI.

S’agissant de la demande de mainlevée d’une saisie-contrefaçon prononcée sur requête, la Cour de cassation a rappelé que cette mesure peut se justifier par l’existence d’un doute sérieux sur la détermination du logiciel sur lequel la protection au titre du droit d’auteur est revendiquée, son éventuelle titularité et/ou originalité.

Ensuite, la Cour de cassation a souligné que la demande de mainlevée d’une saisie-contrefaçon constitue un recours distinct du droit commun des ordonnances sur requête (articles 493 et 497 CPC).

La Cour de cassation a précisé que la demande de mainlevée, ne tend ni à la rétractation de l’ordonnance ni à l’annulation de l’autorisation de pratiquer la saisie ni à la suppression des effets de la mesure. Il s’agit d’un acte qui ne produit d’effets que sur l’avenir.

A propos de la preuve de la contrefaçon en matière de logiciel, la Cour de cassation a rappelé qu’en cette matière la preuve peut être rapportée par tout moyen, éventuellement en recourant à des captures d’écrans qui « ne sont pas dépourvues par nature de force probante ».

Enfin, à l’égard de l’office du juge saisi d’une demande de mainlevée de saisie, la Cour de cassation a accueilli les arguments exposés par la société COURBON en confirmant que lorsqu’il est saisi d’une demande de mainlevée de saisie-contrefaçon, le juge apprécie les éléments produits devant lui au jour de sa saisine.

Ainsi, s’il doit se fonder sur les éléments initiaux fournis lors de la requête, le Juge doit également prendre en compte les éléments révélés a posteriori par la saisie.

Pour toutes ces raisons, la Cour de cassation a procédé à la cassation de l’arrêt déferré et invité la Cour d’appel de Lyon autrement composée à connaître de nouveau du litige.

Il ressort de cet arrêt une distinction claire entre la mainlevée d’une saisie-contrefaçon de logiciel autorisée par ordonnance et la rétraction d’une ordonnance ordonnant une saisie en droit commun.

La mainlevée n’efface que pour l’avenir les effets de la requête, tandis que la rétractation annihile rétroactivement ses effets.

Aussi, la Cour de cassation permet, étonnamment, de tenir compte des éléments révélés par une saisie-contrefaçon pour valider une telle mesure !