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Selon le Gouvernement et contre toute attente (sauf à protéger des intérêts nationaux), il n’existe pas de droit de revendre d’occasion un jeu vidéo acquis de manière dématérialisée

28 février 2017 | Derriennic Associés|

 

Réponse du Ministère de la Culture et de la communication du 17 janvier 2017 à la question écrite N° 87643 de M. Jean-Louis Gagnaire

En septembre 2015, le député Jean-Louis Gragnaire a questionné la ministre de la Culture sur la possibilité de revendre des licences des jeux issus de plateformes en ligne. Favorable à la revente, il s’appuie sur l’arrêt UsedSoft c. Oracle rendu par la CJUE en 2012 (C‑128/11, 3 juillet 2012).

Dans cet arrêt, la CJUE retient que la directive logicielle (2009/24/CE) doit être interprétée de telle manière qu’un éditeur de logiciels ne peut s’opposer à la revente « d’occasion » de ses licences permettant l’utilisation de ses logiciels distribués via Internet, dès lors qu’il les distribue en conférant à l’acquéreur un droit d’usage d’une durée illimitée en contrepartie du paiement d’un prix. Le droit exclusif de distribution d’une copie d’un logiciel couverte par une telle licence, s’épuise à sa première vente réalisée ou autorisée par l’éditeur. Le principe « d’épuisement » du droit de distribution s’applique donc non seulement lorsque le titulaire du droit d’auteur commercialise les copies de ses logiciels sur un support matériel, mais également lorsqu’il les distribue de manière dématérialisée.

Le parlementaire en déduit que les jeux vidéo achetés sur des plateformes de vente dématérialisée doivent pouvoir être revendus par les joueurs, de la même manière que cela est pratiqué pour les jeux « boîte », distribués sur support matériel. Or, il se trouve que les jeux vidéo acquis sur des plateformes de distribution en ligne (PlayStation Network, Xbox Live, Steam, AppStore ou GooglePlay), sont liés à un compte personnel, interdisant toute revente.

La Ministre de la Culture, Madame Azoulay, répond que la revente de jeux vidéo doit être analysée différemment selon qu’elle porte sur un jeu vidéo distribué en ligne ou en version « boite ». S’agissant de ces derniers, distribués sur support physique, il est acquis que les joueurs peuvent revendre leurs jeux vidéo sur le marché de l’occasion, en vertu du principe d’épuisement. En revanche, le Gouvernement considère qu’un particulier ne dispose pas du droit de revendre d’occasion un jeu vidéo acquis de manière dématérialisée.

A l’appui de cette position, le Gouvernement avance que les conséquences de l’arrêt UsedSoft de la CJUE sont limitées au seul logiciel (directive 2009/24/CE) et que leur extension éventuelle à d’autres secteurs de la création (directive 2001/29) soulève de fortes interrogations doctrinales, compte tenu des différences substantielles entre ces deux directives. Or, l’arrêt Cryo de la Cour de cassation du 25 juin 2009 affirme qu’un jeu vidéo est « une œuvre complexe qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l’importance de celle-ci, de sorte que chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature ».

Les tribunaux pourraient toutefois être amenés à trancher cette question, car l’UFC Que Choisir a assigné devant le TGI de Paris fin 2015 la plateforme de distribution de jeux vidéo en ligne Steam (représentant près de 90% du marché PC), aux fins de voir supprimer de ses CGU l’interdiction faite à ses clients de revendre leur jeux vidéo acquis sur sa plateforme.