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Actualité croisée des juges du fond : le régime social des indemnités transactionnelles

02 mars 2020 | Derriennic Associés |

Depuis les arrêts de cassation du 15 mars 2018, les sommes versées aux salariés dans le cadre de transactions peuvent échapper aux cotisations sociales dès lors que l’employeur est mesure de démontrer qu’elles concourent à l’indemnisation d’un préjudice. Le principe d’exonération ne doit donc pas être tenu pour acquis. Il faut encore prêter une attention toute particulière à la rédaction du protocole d’accord qui seul pourra éclairer le juge dans sa recherche du caractère indemnitaire des sommes en jeu. L’examen des arrêts de cours d’appel du second trimestre 2019 permet de relever, si ce n’est des critères, du moins quelques écueils à éviter. 

Sept décisions ayant conclu à l’assujettissement retiennent l’attention. Plusieurs concernent l’hypothèse d’une transaction conclue après un licenciement pour faute grave. Dans ces espèces, l’Urssaf considère devoir réintégrer dans l’assiette des cotisations la somme équivalente au montant du préavis. A bon droit, selon les juges, dans les cas suivants : 

  • le protocole n’indique pas explicitement que le motif de faute grave est maintenu ni que le salarié renonce à solliciter un préavis (CA Angers, 5 sept. 2019, n°17/00620 ; CA Grenoble, 31 oct. 2019, n°18/03409 ; CA Colmar, 12 déc. 2019, n°17/02210), position récemment confirmée par la Cour de cassation (Cass. Civ. 2ème, 20 janv. 2020, n°19-12225)
  • le protocole ne détaille pas le « préjudice subi des conditions de la rupture » ni la date et la teneur de la contestation du licenciement pour faute grave par le salarié (CA Toulouse, 25 oct. 2019, n°18/02509).

De manière générale et sur d’autres sujets, lorsque des sommes valant salaire peuvent être rattachées à la contestation du salarié, il y a également lieu de rester vigilant à l’assujettissement possible, retenu dans les cas suivants : 

  • un protocole évoque en termes très vagues les griefs reprochés à l’employeur et ne se rattache qu’à la rupture alors que la transaction intervenant après une rupture conventionnelle ne peut régler qu’un différend relatif à l’exécution du contrat (CA Angers, 21 nov. 2019, n°17/00750)
  • un protocole intervenant à la suite de contestations judiciaires de plusieurs salariés afin d’obtenir des rappels de salaires sur des jours fériés et le paiement d’heures de récupération de leur dotation vestimentaire, les sommes versées étant destinées à indemniser ces jours non rémunérés (Civ. 2ème, 28 nov. 2019, n°18-22807).

En revanche, quelques décisions relèvent le caractère purement indemnitaire des sommes transactionnelles, échappant dès lors aux cotisations, dans les cas suivants : 

  • il ressortait du protocole, conclu après démission du directeur général, que l’intéressé s’était retrouvé contraint et forcé de donner sa démission, de sorte que l’indemnité réparait bien un préjudice (CA Paris, 25 oct. 2019, n°14/13296)
  • le protocole prévoyait que les parties maintenaient le licenciement pour faute grave, que le salarié renonçait à contester dans toutes ses conséquences juridiques et financières (CA Aix en Provence, 8 janv. 2020, n°18/07487).

Il résulte de ce panorama jurisprudentiel que la rédaction du protocole transactionnel s’avère primordiale dans la détermination du caractère salarial ou indemnitaire des sommes en cause. Conclue après un licenciement pour faute grave, la jurisprudence nous incite à faire mention d’une part que l’employeur entend maintenir la faute grave et, d’autre part, que le salarié renonce à revendiquer toute somme au titre d’un préavis. Ces précisions ne doivent pas pour autant dispenser l’employeur de rédiger également avec soin le détail de la contestation et du préjudice. Pour en savoir plus, rendez-vous le vendredi 6 mars prochain pour notre Matinale dédiée au Contrôle Urssaf !