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Assignation en contrefaçon : attention à la définition et à la présentation des caractéristiques originales des logiciels !

20 février 2023 | Derriennic associés|

Ordonnance du JME de TJ de Nanterre, 1ère ch., 14 décembre 2022

L’affaire oppose la société Dassault Systemes Solidworks, éditeur du logiciel de CAO Solidworks, application de conception et d’ingénierie assistée par ordinateur de modélisation solide, à la société Emitech finance et à son Président, concernant l’utilisation non-autorisée par ces derniers du logiciel de l’éditeur. Dassault Systemes Solidworks a assigné en contrefaçon la société utilisatrice et son Président du fait d’une faute détachable de ses fonctions.

Plus précisément, l’utilisateur ne disposait pas de suffisamment de licences d’utilisation du logiciel et reproche à la société Emitech et son Président des actes de contrefaçon résultant d’une utilisation au-delà des droits qui lui étaient concédés en vertu d’un contrat de licence.

Par conclusions d’incident, la société Emitech et son Président soulèvent devant le juge de la mise en état une exception de nullité de l’assignation en contrefaçon pour vice de forme ; faute pour le demandeur d’avoir précisément défini le logiciel dont la contrefaçon est alléguée et son originalité. En effet, conformément au Code de la propriété intellectuelle, un logiciel peut bénéficier de la protection et du monopole d’exploitation conféré par le droit d’auteur, sous réserve d’être original.

Le tribunal relève que « il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. En effet, seul l’auteur (…) est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole et le principe de la contradiction posé par l’article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l’absence d’originalité. »

Le juge de la mise en état précise, tout d’abord, que le logiciel est protégeable dès lors que la forme de son expression est originale en ce sens qu’elle traduit un effort personnalisé du programmeur dépassant la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante. Aussi, « seul le code source permet de connaître les choix précis du programmeur qui ont présidé à la mise en forme qui constitue le siège de l’originalité d’un logiciel. »

Or, en l’espèce, il appartenait à Dassault Systemes Solidworks d’identifier précisément et d’expliciter les caractéristiques originales des logiciels dont la contrefaçon est alléguée. Si la comparaison des codes source entre le logiciel contrefait et le logiciel contrefaisant n’est pas nécessaire, l’analyse des codes source du logiciel de Dassault Systemes Solidworks est, pour le tribunal, indispensable.

Une telle affirmation ne revient pas à exiger du demandeur qu’il rapporte la preuve de l’originalité dans l’assignation (dont l’appréciation relève d’un débat au fond – voir en cela Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 2e chambre, 14 juin 2018, n°17/19263), mais qu’il identifie l’œuvre et détermine et définisse objectivement les éléments subjectifs qui la caractérisent afin de permettre un débat contradictoire, pertinent et loyal. Le demandeur aurait ainsi dû présenter et commenter plus précisément l’originalité des codes source de son logiciel propriétaire.

La frontière entre la démonstration de l’originalité et l’appréciation de celle-ci semble, toutefois, ténue et la ligne de démarcation quelque peu acrobatique.

En l’espèce, le tribunal conclut à la nullité de l’assignation du demandeur, laquelle est affectée d’un vice de forme qui rend une défense utile impossible, faute de détermination préalable du périmètre et de l’assiette des droits opposés.

A n’en pas douter, Dassault Systemes Solidworks va faire appel de la décision et il n’est pas sûr que la Cour d’appel suive la position du Juge de la mise en état. On rappellera que, au moins à deux reprises, tant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 2e chambre, 12 avril 2018, n° 17/10421), que la Cour d’appel de Versailles (Cour d’appel de Versailles, 12e chambre, 13 octobre 2022, n° 21/07289) ont confirmé la décision de nullité (partielle ou totale) de l’assignation par les Juges de la mise en état qui avaient considéré que la preuve de l’originalité devait s’effectuer dès l’assignation, considérant, pour la Cour d’appel de Versailles, que « le juge de la mise en état n’a pas dépassé ses pouvoirs en contrôlant si les caractéristiques originales des œuvres en débat étaient suffisamment explicitées ».

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