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Confirmation par le Conseil Constitutionnel de la conformité du pouvoir nouveau d’injonction numérique de la DGCCRF

12 décembre 2022 | Derriennic Associés|

La loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 (DDADUE) portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière a modifié l’article. L 521-3-1 du Code de la Consommation en octroyant un pouvoir d’injonction dite « numérique » à la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGGCRF).

Le nouvel article L. 521-3-1 ; 2° prévoit que lorsque sont constatées certaines infractions aux dispositions du code précité, la DGGCRF peut :

« Notifier aux personnes relevant du I de l’article L. 111-7 du présent code les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites pour qu’elles prennent toute mesure utile destinée à faire cesser leur référencement ».

En pratique cette injonction pouvoir d’injonction peut être mobilisé si les conditions cumulatives suivante sont réunies :

  • Présence d’un contenu manifestement illicite en ligne ; ET
  • Le professionnel mettant le contenu en ligne n’est pas identifiable OU
  • Le professionnel mettant le contenu en ligne ne répond pas aux interpellations.

Également, ce pouvoir n’est mobilisé que de manière graduée. L’autorité administrative adresse tout d’abord un message d’avertissement au professionnel concerné.

En l’absence de réponse, la DGGCRF peut ordonner le déréférencement ou la mise en place d’une restriction d’accès à un site ou à une application mobile, ou encore d’un blocage du nom de domaine.

Ce pouvoir d’origine européenne a été mobilisé pour la 1ère fois en France dans le cadre d’un contentieux opposant la DGGCRF à la société Context Logic opérant sous le nom commercial « Wish ».

Depuis 2018, la DGGCRF constate la présence persistante de produits non conformes et dangereux sur le site de vente et l’application mobile Wish (société Context Logic). Ainsi, en novembre 2021, elle a ordonné, le déréférencement de :

  • Du site internet et de l’application mobile auprès des moteurs de recherche GOOGLE, BING et QWANT,
  • De l’application mobile auprès des magasins d’application PlayStore de GOOGLE et AppStore d’APPLE

En défense, WISH a saisi en référé le Tribunal administratif de Paris pour faire tomber la mesure. Déboutée, WISH s’est tournées vers le Conseil d’Etat en mai 2022, soutenue par l’intervention volontaire de Google dans la cause.

A la suite de la réception d’une question prioritaire de constitutionnalité,le Conseil d’Etat a laissé au Conseil Constitutionnel le soin d’apprécier si :

« Les dispositions du nouvel article L 521-3-1 du Code de la Consommation peuvent permettre à l’autorité administrative d’ordonner le déréférencement d’une interface en ligne, sans subordonner une telle mesure à l’autorisation d’un juge ni prévoir qu’elle doit être limitée dans le temps et porter sur les seuls contenus présentant un caractère manifestement illicite ? »

Pour Wish, laisser l’administratif disposer d’un tel pouvoir générerait d’importants risques vis-à-vis des libertés d’expression, de communication et d’entreprendre.

Pour le Conseil Constitutionnel, le dispositif prévu par le nouvel article L 521-3-1 du Code de la Consommation est parfaitement conforme à la Constitution dès lors que :

  • Ce pouvoir tend à assurer la sauvegarde d’un objectif d’intérêt général poursuivi par le Législateur ;
  • Ce pouvoir ne peut être employé que dans un cadre proportionné: à l’encontre des seuls sites internet ou à des applications, exploités à des fins commerciales par un professionnel ou pour son compte, permettant aux consommateurs d’accéder aux biens ou services qu’ils proposent.

Il faut également qu’il ait été constaté à partir de ces interfaces des pratiques caractérisant certaines infractions punies d’une peine d’au moins 2 ans d’emprisonnement ou de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l’intérêt des consommateurs et en fin que les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus présentent un caractère manifestement illicite.

  • Ce dispositif n’est actionné que de manière subsidiaire(l’auteur de la pratique frauduleuse constatée sur cette interface n’a pu être identifié ou l’auteur n’a pas déféré à une injonction de mise en conformité prise après une procédure contradictoire et qui peut être contestée devant le juge compétent)
  • Ce dispositif est soumis à des bornes juridictionnelles permettant la saisine du juge des référés dans le cadre d’un référé liberté avant l’entrée en vigueur des mesures contestées,
  • Enfin, le juge administratif peut cantonner l’application de l’injonction de déréférencement à une partie restreinte de l’interface en ligne subissant la sanction.

A l’image des contrôles et injonctions adressées par la CNIL, il convient donc pour tout opérateur de plateforme en ligne d’être proactif et diligent dès lors que l’administration lui intime de procéder au retrait de contenus manifestement illicites.

Lien vers la décision : Décision n° 2022-1016 QPC