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Contrat d’intégration au forfait : attention à la résiliation unilatérale pour dépassement de budget !

27 octobre 2017 | Derriennic Associés|

 

Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 11, 8 septembre 2017, RG n° 15/05207 

Dans le cadre d’un contrat d’intégration au forfait, dès lors que le client avait accepté contractuellement le principe des modifications au projet donnant lieu à rémunération complémentaire, il ne peut se prévaloir, étant à l’origine des modifications et informé des écarts, de la demande de prise en charge du surcoût, même tardive, pour résilier unilatéralement le contrat et devra réparer le préjudice du prestataire.

Une société confie à un intégrateur la refonte de son système d’information par contrat signé en avril 2009 pour une rémunération forfaitaire d’environ 2M€. L’intégrateur, après acceptation de la maquette par le client, fait état d’un dépassement de charge, d’un montant équivalent au montant initial, pour pouvoir terminer le projet selon les attentes du client. Le client refuse et met en demeure l’intégrateur de reprendre le projet dans le respect du contrat et de son montant.

Après une expertise, le client, qui a confié la reprise du projet à un autre prestataire, assigne au fond pour demander la résiliation partielle du contrat aux torts de l’intégrateur et réparation de son préjudice (environ 6M€). Il considère que l’intégrateur, qui n’avait pas soulevé de réserves sur le cahier des charges, a manqué à son obligation de suivi des écarts, le privant ainsi de la possibilité d’arbitrer les décisions, sans preuve de l’évolution des besoins. Le dépassement a, en outre, été annoncé tardivement et brutalement, sans analyse des causes. Le client impute l’origine de l’échec du projet au désaccord sur la prise en charge du coût et donc au manquement de l’intégrateur d’assurer le suivi et de livrer la solution au prix forfaitaire contractuel convenu.

L’intégrateur lui oppose  le fait que les modifications contractuelles sont imputables au client : le périmètre de la prestation a été modifié substantiellement dès la phase de conception générale, le client ayant demandé à s’écarter de l’étude de cadrage, et étant informé des conséquences financières. Le client ayant en outre admis la nécessité de rediscuter le prix initial, les parties avaient ainsi rendu obsolète le prix forfaitaire. En mettant fin brutalement à la relation contractuelle, le client est seul responsable de l’arrêt du projet par son refus de négocier le prix de bonne foi et a ainsi manqué à son obligation de collaboration, alors que le projet était viable.

Le client sera débouté par le tribunal de commerce de Paris le 3 février 2015 qui prononce la résiliation aux torts du client et le condamne à verser à l’intégrateur des dommages-intérêts.

La Cour d’appel rappelle :

  • Les termes du contrat signé : toutes les prestations non explicitement inclues dans la rémunération forfaitaire du prestataire font l’objet d’une rémunération complémentaire et, en cas de modifications significatives émanant d’une partie et affectant les conditions d’exécution des prestations, les parties se réuniront pour ajuster de bonne foi et d’un commun accord les modalités financières.
  • Les conventions stipulées à durée déterminée doivent s’exécuter jusqu’à leur terme, la gravité du comportement d’une partie pouvant toutefois justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls.

La Cour conclut, au vu des éléments du dossier, que le client a été à l’origine de modifications substantielles et qu’il a approuvé la maquette en faisant abstraction de l’étude de départ. En conséquence, aucun manquement de l’intégrateur à son obligation de suivi des écarts n’est caractérisé et l’annonce tardive de la charge supplémentaire correspondant aux évolutions du périmètre n’a pas causé l’arrêt du projet. Le client avait accepté le principe des modifications apportées au projet et le fait qu’elles pouvaient donner lieu à un complément de rémunération : il ne disposait donc d’aucun motif de résiliation unilatérale du contrat tenant à la gravité du comportement de l’intégrateur.

Le jugement est donc confirmé.

Le client sera condamné à payer les factures dues, la perte de marge brute de l’intégrateur consécutive à la non-perception de l’intégralité du prix du projet et le préjudice inhérent au surcoût subi pour un total d’environ 500K€. Seules les pertes liées aux revenus non perçus par suite de la non-réaffectation immédiate des consultants ne seront pas retenues, la preuve de ce préjudice n’étant pas rapportée.