A la mi-mai dernier, et à la suite d’une première publication relative aux contrats portant sur une chose, la Chancellerie a publié la seconde partie de l’avant-projet de réforme des contrats spéciaux. Quelques points forts concernant les contrats d’entreprise peuvent être relevés.
L’avant-projet abandonne l’expression désuète de « louage d’ouvrage et d’industrie » : le contrat d’entreprise est défini par l’avant-projet comme « celui par lequel l’entrepreneur réalise, de façon indépendante un ouvrage au profit de son client, maître de l’ouvrage. L’ouvrage peut être matériel ou intellectuel. Il consiste en un bien ou un service ». Le titre relatif aux contrats d’entreprises comprendra deux chapitres : le premier, sur les dispositions communes à tous les contrats d’entreprise ; le second évoquera les dispositions propres à certains contrats d’entreprise en distinguant le contrat d’entreprise mobilière du contrat de construction.
Certains textes résultent simplement d’une codification des solutions prétoriennes constantes ou des comportements observés en pratique. Ainsi, l’avant-projet tient compte des devis mais également de la co-traitance. En ce qui concerne le prix du contrat d’entreprise, celui-ci se présente sous la forme d’honoraires et est convenu avant l’achèvement de l’ouvrage. S’agissant de la sous-traitance, l’entrepreneur répond du sous-traitant vis-à-vis de son client. Par ailleurs, l’avant-projet définit la réception tacite et détermine les critères de la réception judiciaire qui demeurent aujourd’hui flous en jurisprudence.
En revanche, certains projets de texte s’écartent des solutions traditionnellement retenue par les juges en retenant, en outre, la possibilité pour le maître de l’ouvrage d’exercer contre le sous-traitant toute action née du contrat de sous-traitance. D’après le projet, le maître de l’ouvrage comme l’entrepreneur disposera contre le fournisseur du sous-traitant de toute action née du contrat de vente conclu avec celui-ci. Enfin, le sous-traitant disposera d’une action directe contre le maitre de l’ouvrage dans les cas, que celui-ci ait ou non été agréé par ce dernier.
Par ailleurs, l’avant-projet de réforme distingue désormais le contrat d’entreprise mobilière, et le contrat de construction. Le contrat d’entreprise mobilière a pour objet un bien meuble conçu pour répondre aux besoins spécifiques du client. Dès lors, il est considéré comme possédant un caractère translatif de propriété au jour de la réception de l’ouvrage par celui-ci, sauf clause contraire.
Quant au contrat de construction, il opère un transfert de propriété progressif dès lors que l’ouvrage construit est immobilier, se faisant au fur et à mesure de l’incorporation des matériaux dans le sol. Les parties peuvent toutefois conventionnellement décider de retarder le transfert de la propriété au jour de la réception de l’ouvrage.
L’avant-projet de réforme traite aussi du contrat de dépôt, pour l’adapter à l’évolution du monde des affaires.
Dorénavant le contrat de dépôt peut porter sur des meubles corporels mais aussi incorporels, ce qui inclut les fichiers informatisés, et élargi le champ d’application de ce contrat.
Le dépôt nécessaire est aussi redéfini, pour mettre l’accent sur la nécessité et la volonté conjointes : la seule réception par autrui d’une chose qui serait menacée de disparition ou de destruction forme le dépôt.
Le domaine du dépôt secret est également précisé, ainsi que les obligations qui en découlent pour le dépositaire : celui-ci ne doit pas chercher à connaitre les choses qui lui ont été remises, à moins que les circonstances lui indiquent le contraire.
Le séquestre conventionnel a été complété par la prévision de l’arrêt des intérêts conventionnels dont le prix pouvait naitre de la détention de la chose. Cette disposition vise à régler au plus vite les différends entre deux parties se disputant la chose en dépôt.
Un séquestre judiciaire se voit aussi apparaitre dans l’avant-projet de réforme : il est prévu que la chose ou la somme d’argent due par un débiteur peuvent être judiciairement mises sous séquestre, dès lors que le débiteur ignore auprès de qui acquitter sa dette, l’en libérant ainsi.
En conclusion, cet avant-projet de réforme prévoit de moderniser les contrats spéciaux portant sur des contrats de service en précisant leur objet, clarifiant leur lecture et aménageant de nouveaux outils contractuels et judiciaires.
Veuillez notez dans vos agendas que Derriennic Associés organisera une matinale dédiée à cette réforme, dès septembre 2022.