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Encore faut-il collaborer pour être coauteur d’une œuvre audiovisuelle !

15 juin 2023 | Derriennic associés|

Par un arrêt du 29 mars 2023, la Cour de cassation se penche sur l’appréciation de la présomption de cotitularité dont bénéficient les auteurs d’une œuvre audiovisuelle, ainsi que sur la notion d’œuvre de collaboration, par opposition à une œuvre composite. Profitez de l’expertise de nos avocats en propriété intellectuelle pour y voir plus clair.

En l’espèce, une société a commandé auprès d’une autre la réalisation d’un film de communication non sonorisé. La société commanditaire a, par la suite, souhaité confier la composition de la musique du film à un tiers, auteur-compositeur.  

L’auteur-compositeur a constaté la diffusion de l’œuvre audiovisuelle, avec une autre bande sonore que la sienne, non seulement sur le site de la société ayant réalisé le film, mais également sur le site de l’auteur-réalisateur dudit film.

N’ayant pas donné son autorisation à la diffusion et la modification du film publicitaire (ainsi privé de la bande-son qui lui était initialement destinée), l’auteur-compositeur a assigné en contrefaçon.

Débouté par la Cour d’appel de Paris le 11 janvier 2022, au motif que l’auteur-compositeur n’avait, en aucun cas, la qualité de coauteur de l’œuvre audiovisuelle litigieuse, l’auteur-compositeur s’est pourvu en cassation, considérant que :

  • L’œuvre concernée constitue une œuvre audiovisuelle au sens du Code de la propriété intellectuelle, qu’ainsi la Cour d’appel a violé l’article L. 112-2, 6° du même Code ;
  • Est présumé coauteur d’une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration, l’auteur des compositions musicales spécialement réalisées pour l’œuvre ;
  • Toute modification, suppression ou changement d’un élément quelconque exige l’accord des coauteurs, réalisateur ou encore producteur.  

Par une décision en date du 29 mars 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle (i) les conditions ouvrant droit à la présomption de cotitularité de l’auteur des compositions musicales, et rappelle ensuite (ii) l’importance de la distinction entre les œuvres de collaboration et les œuvres composites.

  1. La présomption de cotitularité de l’auteur des compositions musicales d’une œuvre audiovisuelle

Selon la Cour, les différents auteurs participant à la réalisation d’une œuvre audiovisuelle en sont présumés coauteurs. Ont notamment cette qualité d’auteur d’une œuvre audiovisuelle réalisée en collaboration les « auteurs des compositions musicales » (article L. 113-7 du Code de la propriété intellectuelle).

Toutefois, la Cour de cassation considère, en l’espèce, conformément à la position adoptée par la Cour d’appel, que, faute de preuve par l’auteur-compositeur d’un véritable travail de collaboration, et compte tenu du caractère simple de la présomption prévu à l’article précité, l’absence de concertation suffisait ainsi à en perdre le bénéfice. En l’occurrence, la Cour de cassation retient que la réalisation de la bande-son du film publicitaire est le fruit d’un travail indépendant, que l’auteur-compositeur n’a pas pris part à la conception du film promotionnel non sonorisée et que la bande son qu’il avait créée avait été incorporée postérieurement à l’œuvre préexistante, objet de la commande, sans sa collaboration. En conséquence, l’œuvre audiovisuelle sonorisée par l’auteur-compositeur n’est donc pas le fruit d’« une participation concertée, [ni d’]une communauté d’inspiration ».

2. La distinction entre « œuvre de collaboration » et « œuvre composite »

Afin de justifier sa position, la Cour de cassation rappelle la distinction cruciale entre les œuvres de collaboration et les œuvres composites. A ce titre, l’article L. 113-2 du CPI prévoit qu’« Est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ». Selon le même texte, « Est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière ».

La Haute juridiction précise que l’œuvre de collaboration se caractérise par « une participation concertée et une communauté d’inspiration (1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 17-14.728, Bull. 2018, I, n° 57) ».

Toutefois, en l’espèce, la Cour d’appel a retenu à bon droit que le compositeur ne pouvait nullement être retenu comme coauteur de l’œuvre audiovisuelle, faute de satisfaire aux conditions de l’œuvre de collaboration.

La présomption simple de cotitularité est en conséquence écartée.

Source : Cass, 1ère civ. 29 mars 2023