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Fait d’hiver : condamnation de Jeff Koons pour contrefaçon

07 mai 2021 | Derriennic Associés|


Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 1, 23 février 2021, n° 19/09059

L’affaire, opposant un directeur artistique, Franck Davidovici, auteur d’une publicité pour la marque française de prêt-à-porter Naf Naf, au célèbre plasticien américain Jeff Koons, a fait grand bruit dans le monde de l’art contemporain.

La publicité a pour titre « Fait d’hiver ». Il s’agit d’une photographie représentant une femme, allongée dans la neige, à laquelle un petit cochon affublé d’un petit tonneau, à l’instar d’un Saint-Bernard, porte secours.

Lors d’une exposition sur l’œuvre de Jeff Koons organisée par le Centre Georges Pompidou en 2014, l’auteur de la photographie s’est rendu compte que l’une des sculptures de l’artiste, intitulée également « Fait d’hiver », présentait des similitudes « troublantes » avec son visuel publicitaire.

En 2015, le directeur artistique attaque en justice Jeff Koons pour contrefaçon.

Ce dernier invoque pour sa défense le concept d’appropriation, cher à l’art contemporain et, notamment au pop art. Il se prévaut ainsi de l’exception de parodie et du droit à la liberté d’expression artistique.

Le publicitaire considère, au contraire, que l’appropriation porte atteinte à ses droits d’auteur.

Jeff Koons est condamné en première instance pour contrefaçon, avec versement de 135 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le Tribunal de Grande Instance a en effet considéré que l’absence de notoriété du photographe ne permet pas raisonnablement au public de distinguer l’œuvre parodiée de la parodie. Le Tribunal considère également que la reprise de la photographie, et notamment de sa composition, ont permis à l’artiste américain de faire l’économie d’un travail créatif, ce qui ne pouvait se faire sans l’autorisation du directeur artistique.

La Cour d’appel de Paris vient aujourd’hui confirmer ce jugement.

La Cour d’appel a tout d’abord retenu que la contrefaçon était constituée du fait de la reprise dans la sculpture de Jeff Koons des éléments originaux de la photographie. La Cour rappelle que « la contrefaçon de droits d’auteur s’apprécie au regard des ressemblances [lesquelles] sont en l’espèce prédominantes par rapport aux différences ».

Le seul fait que la sculpture de Jeff Koons constitue elle-même une œuvre composite, c’est-à-dire une œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante, et qu’elle soit porteuse d’un message de l’artiste, n’excuse pas la contrefaçon, dès lors que cette œuvre repose sur une appropriation non autorisée d’une œuvre.

La Cour a ensuite considéré que l’exception de parodie ne pouvait être invoquée par l’artiste. En effet, l’exception de parodie suppose le respect des trois conditions cumulatives suivantes : (i) évoquer une œuvre existante, (ii) tout en présentant des différences perceptibles par rapport à celle-ci et (iii) constituer une manifestation d’humour ou une raillerie, conformément à une décision de la CJUE du 3 septembre 2014 (C-201/13, DECKMYN).

Or, la Cour considère que Jeff Koons ne démontre absolument pas son intention d’évoquer la photographie de la publicité Naf-Naf, ce visuel étant de plus incontestablement oublié ou inconnu du public lors de l’exposition au Centre Pompidou. Jeff Koons ne peut donc se prévaloir de l’exception de parodie.

La Cour d’appel estime que le caractère transformatif de la démarche créatrice de l’artiste américain ne peut donc être perçu.

La Cour relève enfin que Jeff Koons est un artiste majeur mondialement reconnu dans le marché de l’art et qu’aucune circonstance ne justifie qu’il se soit abstenu d’obtenir l’autorisation préalable de l’auteur de la photographie.

L’atteinte portée à la liberté d’expression créatrice de Jeff Koons était donc proportionnée et nécessaire au but poursuivi, à savoir celui de protéger le visuel publicitaire.

Jeff Koons est ainsi condamné, une fois de plus, pour contrefaçon, à des peines plus lourdes qu’en première instance (190 000 euros de dommages et intérêts), avec interdiction d’exposer la sculpture et de la reproduire, notamment sur Internet.

Pour l’anecdote, Jeff Koons est coutumier du fait et a déjà été condamné deux fois pour contrefaçon, une fois pour plagiat aux États-Unis et la seconde en France par la Cour d’appel de Paris.